À propos de septembre 2024 par Jean Cevenne
   13/09/2024
 À propos de septembre 2024 par Jean Cevenne

 À propos de septembre 2024

 

Septembre a ouvert la série des mois dont le nom vient tout simplement de la place des mois du premier calendrier de Rome, calqué sur celui des gens d’Albe. Le septième des dix mois du calendrier d’alors, il est aujourd’hui le neuvième de notre année de douze mois avant qu’intervienne la réforme imposée à la demande de Jules César, pour avoir un calendrier qui coïncide autant que faire se peut avec le cycle du soleil et les saisons.

Quand j’écris « à la demande » je pense à la vive remarque de notre professeur de latin qui se moquait bien de nous quand nous traduisions l’exemple d’une règle de la grammaire latine « César potem fecit » Bien sûr César « fit faire un pont » comme il demanda à des savants d’établir les règles d’un nouveau calendrier. Cette réforme a donné son nom à ce calendrier qui a été la référence pendant 1628 ans (46 ans avant JC et 1582 après) alors que le calendrier « grégorien qui est notre référence aujourd’hui, la plus universellement reconnue n’est en vigueur que depuis 442 ans (2024 - 1582). Mais c’est le calendrier qui est le plus proche de la course du soleil et des saisons, même s’il faut de temps en temps remettre à jour avec les années bissextiles. C’est une des raisons qui fait que l’automne est cette année le 22 septembre mais était l’an dernier le 23 septembre. 

Je souligne la tendance actuelle qui est de dire que l’automne commence le 1er septembre. Je pense pour ma part que cette tendance n’est pas justifiée uniquement parce que le temps change en septembre. Je pense que c’est une question de facilité pour les statistiques car cette date en plein mois ne facilite pas les calculs, même au temps de l’informatique la plus sophistiquée ! 

Pour septembre j’aime citer l’almanach provençal : « Quand li bestiari fagueron li més, chascun faguè lou siéu à sa fantasié. Lou reinard venguè lou darriè, car en estènt que se mesfisavon d’èu, l’avien pas vougu. - Ben, ié diguè, coum’avès fa ? - Aven fa lou mes de janvié, aqui i’a de fre ; aven fa lou mes d’abriéu, aqui i’a de plueio ; aven fa lou mes de setèmbre, aqui i’a de toute meno de frucho…- Eh ! bedigas ! cridé lou reinard, que noun fassias ounge mes de setèmbre ! passavian l’autre à rapuga ! » Voilà une bonne description de ce qui marque le mois de septembre, empruntée au grand Frédéric Mistral. « Quand les animaux firent les mois, chacun fit le sien à sa fantaisie. Le renard vint le dernier car étant donné qu’ils se méfiaient de lui, ils l’avaient laissé de côté (ils ne l’avaient pas voulu, - sous-entendu- avec eux). Il leur dit alors : Comment avez-vous fait ? - Nous avons fait le mois de janvier, là il fait froid ; nous avons fait le mois d’avril, là il y a la pluie, nous avons fait le mois de septembre, là il y a toute sorte de fruits. -Eh bien imbéciles ! leur cria le renard, pourquoi n’avez-vous donc pas fait onze mois de septembre, nous aurions passé l’autre (le douzième) à grappiller. » Ce texte a été publié dans l’Armana Prouvençau de 1853.

Plus sereinement, en revenant aux champs, aux cultures, aux saisons je rappellerai encore que c’est le jour de la saint Michel que prennent fin traditionnellement les baux de fermage, ou qu’ils sont renouvelés. De même c’est à la saint Michel, le 29 septembre, que sont « débauchés » ou « embauchés » les commis de ferme et les autres personnels. D’où les conseils de prudence donnés pour la saint Lambert le 17. C’est dans la deuxième quinzaine de septembre, en effet, que se préparaient, entre fermiers, ouvriers et commis, les engagements réciproques pour l’année agricole à venir. Celui qui sans y être contraint, quittait alors sa place, courait grand risque de ne pas la retrouver : « Le jour de la saint Lambert, qui quitte sa place la perd ! » Ce saint Lambert était évêque de Maastricht et ce jour-là il y a quelques années eut lieu un fameux référendum à propos d’un fameux traité !!!   C’est une histoire qui fait encore couler beaucoup… d’encre…et de salive… ! Encore en ce moment !  

Nous n’oublierons pas, nous les gardois, le triste épisode de la Michelade, ce massacre entre Protestants et Catholiques, à Nîmes, au moment de la foire de la saint Michel, les 29 et 30 septembre 1567.  Cette émeute à Nîmes s'inscrit dans l'ensemble de troubles entraînés par les guerres de religion qui déchirèrent la France au XVIe siècle. Avec le Massacre de Vassy perpétré contre les protestants le 1er mars 1562 par les troupes du Duc de Guise, il préfigure, à une échelle moindre, le massacre des protestants par les catholiques lors de la Saint Barthélémy le 24 août 1572, où cinq à dix mille protestants sont tués à travers toute la France.

Cette triste affaire qui s’est passée en septembre, et chez nous, fut suivie de règlement de compte et de violentes répressions qui entrainèrent un importe émigration. 

Pour s’informer sur cet évènement majeur des Guerres de religions, je conseille de lire l’ouvrage de Jean-Paul Chabrol « La Michelade, un crime de religion » qui me semble le plus impartial et le plus fiable actuellement, publiée en 2013 chez Alcide. Jean-Paul Chabrol est un des meilleurs historiens de référence pour comprendre les Cévennes. 

Il existe dans la cathédrale de Nîmes une chapelle des martyrs où seraient rassemblés les restes mortels de ces catholiques massacrés et qui avaient été jetés dans un puits alors dans la cour de l’Évêché de Nîmes, actuel Musée Municipal. Cette chapelle sera exceptionnellement ouverte à l’occasion des Journées du Patrimoine de septembre 2024.

La période de fin d’été est favorable à la récolte des fruits « En septembre se coupe ce qui pend » ; ce qui fait dire que cette période est encore le temps des confitures. Un décret du 23 septembre 1925 stipule que la confiture « est un produit constitué uniquement de sucre raffiné ou cristallisé et de fruits frais ou conservés autrement que par dessiccation ». Ne confondons pas la confiture avec la marmelade qui est, elle une purée, ce qui est encore différent de la gelée qui est le jus de fruit coagulé, et qui est encore différent de la compote qui elle est faite de fruits peu cuits et peu sucrés. L’homme a longtemps cherché les moyens de conserver les aliments en les séchant, les salant, les fumant, les mettant à l’abri de l’air ou en les cuisant. C’est Pline qui au 1er siècle de notre ère nous donne semble-t-il la première recette de confiture dans son œuvre l’« Histoire naturelle ». Au XVIème siècle Nostradamus écrivit « la manière de faire toutes les confitures liquides tant en sucre, miel qu’en vin cuit ». L’âge d’or des confitures serait le XIX ème siècle, sans doute parce que, au moment où la vie rurale domine encore et époque où les vergers domestiques sont nombreux, le sucre devient un produit de consommation courante. Au XVII ème siècle Colbert avait favorisé l’implantation de raffineries dans les grands ports français, mais le sucre restait encore un « épice » d’un prix prohibitif. Ce n’est qu’au XIX ème siècle sous l’impulsion de Napoléon Premier que l’industrie de la betterave va se développer et bien vite concurrencer le sucre de canne favorisant ainsi le développement de la fabrique des confitures. Faire des confitures c’est renouer avec un art de vivre, une époque où l’on avait le temps de prendre son temps !

Au cours de ce mois les jours diminuent d’une heure quarante-six minutes et ont une durée moyenne de douze heures trente. D’où cette recommandation d’un dicton du Bourbonnais : « A la saint Leu, la lampe au cleu » et dans nos parlers du Midi : « Oou mes de setembre, lou caleu es a pendre ». Lou caleu, vous le savez bien, c’est la lampe à huile. Saint Leu c’est le 1er septembre. Trois évêques ont porté ce nom, celui de Troyes mort en 478, celui de Soissons mort vers 535 et celui de Sens mort en 623. Les uns et les autres que l’on nomme « Leu » tirent leur nom d’une prononciation ancienne de « Loup » d’où de très nombreuses églises ou village qui en France portent l’un ou l’autre nom. 

Malgré ce raccourcissement de la durée du jour, le temps reste encore agréable et cette arrière-saison est parfois plus belle que le printemps. « Septembre se nomme le mai de l’automne ». « De mai, septembre a les teintes fines, souvent la tranquillité un peu brumeuse, les tiédeurs et les fraîcheurs mêlées, les matins trempés de rosée et les couchants où l’air tout entier prend la couleur de la chair de Fraise » écrit Henri Pourrat si proche de notre famille ! 

Avec l’équinoxe du 22 septembre quelques signes nous annoncent les grands vents et les changements du temps. Par exemple : le soleil est ceint de plusieurs cercles sombres ; les hirondelles passent toutes du même côté des arbres où les moucherons se sont abrités ; le son des cloches lointaines arrive par saccades ; les forêts bruissent ; les oiseaux aquatiques s’ébattent sur les rivages. « Quel calme ! voici l’équinoxe. Le jour est plus jaune, la lumière a vieilli. Prends ton panier pour les vendanges, voici l’arrière-saison. Sème les raves, empaille les cardons ; fais couler l’eau sur la fleur bleue, grasse et froide du chou-fleur ; l’air sent le céleri et le feu les fans de pommes de terre ; cueille la fraise des quatre saisons, le glaïeul, le fuchsia, la sauge, l’héliotrope. Hume la pêche. Assieds-toi sur le gazon râpé. Voici les coings et la citrouille. L’air prend un goût de fleur brouie » écrit cet autre écrivain auvergnat Alexandre Vialatte. 

La pleine lune sera le 18 septembre en lune montante. Ce même jour il y aura un nœud lunaire et la lune sera à son périgée. Il y aura donc une éclipse de lune. Ce sera une période de grandes marées d’un coefficient de plus de 110. Donc une accumulation de signes qui peuvent laisser prévoir des perturbations plus intenses. Tout ça n'est pas bon signe, pour ce jour-là ou pour les jours suivants ? à l’approche de l’équinoxe d’automne le 22 septembre. On peut s’attendre à du très mauvais temps autour de cette date du 18. Pour le moment les prévisions sont au beau fixe. À vos notes ! Je ne suis ni prévisionniste ni météorologue. Je sais bien que la lune n’a pas de rayonnement... Et les météorologues ne parlent presque jamais du cycle lunaire. Mais la lune nous donne presque toujours des indications sur le temps. Nos Anciens le savaient bien, et d’ailleurs ils ont écrit à l’appui de leurs observations, quantités de dictons ayant trait au temps. Si on regarde le cycle lunaire, il est intéressant de relever les dictons pour ces jours-là, souvent liés au saint du jour qui lui n'est pour rien dans cette affaire ! 

Voici ceux de la fin du mois avec saint Michel qui marque les derniers jours de chaleur : « A la saint Michel, la chaleur monte au ciel. » C’est le dernier délai pour le départ des hirondelles : « A la saint Michel, départ des hirondelles ! » Et si ces hirondelles se sont attardées jusqu’à cette date c’est parce qu’il peut faire encore très beau : « Quand l’hirondelle voit la saint Michel, L’hiver ne viendra qu’à Noël ! 

Au grand Gilbert Bécaud de conclure cette chronique avec cet extrait de sa belle chanson « C’est en septembre » :

…« C'est en septembre

Quand les voiliers sont dévoilés

Et que la plage tremble sous l'ombre

D'un automne débronzé

C'est en septembre

Que l'on peut vivre pour de vrai

 

En été mon pays à moi

En été c'est n'importe quoi

Les caravanes le camping-gaz

Au grand soleil

La grande foire aux illusions

Les slips trop courts, les shorts trop longs

Les hollandaises et leurs melons

De Cavaillon

 

C'est en septembre

Quand l'été remet ses souliers

Et que la plage est comme un ventre

Que personne n'a touché

C'est en septembre

Que mon pays peut respirer…

 

C'est en septembre

Que je m'endors sous l'olivier »

 

A Diou sias bravis, gens. « Vous aven dit ço que sabian » chantaient les fileuses de nos régions. Voilà ce que j’avais envie de vous dire, et ce que m’inspire ce mois de septembre 2024, gardant pour d’autres fois, d’autres choses qui me donneront le plaisir, partagé, j’espère, de vous retrouver avec ces quelques lignes.   

 

                                                                                                 Jean Cevenne le 11 septembre 2024