Chronique du temps qu’il fait et des saisons, des dictons, fêtes et traditions - Du mois de mars 2023
   07/03/2023
Chronique du temps qu’il fait et des saisons, des dictons, fêtes et traditions - Du mois de mars 2023

Du mois de Mars 2023

Cette chronique arrive-t-elle « comme mars en carême » c’est-à-dire comme prévu et de façon opportune ou « mal à propos » comme le veut une autre interprétation de cette expression ?  

Les deux sens sont admis et je vous laisse choisir laquelle des interprétations vous convient le mieux.

Déjà utilisée en 1610, l'expression puise ses origines à la fois dans le calendrier et dans la religion. La période du Carême tombant au mois de mars, l'expression désigne le fait d'arriver à propos, comme prévu ou de façon opportune.

Mais cette interprétation fut bientôt reprise par une autre expression française à savoir « arriver comme marée en carême » faisant allusion à l’arrivée du poisson frais bienvenu en cette période dabstinence de viande.

L’académie française à l’origine de cette distinction dans le but de restaurer la clarté française a semé la confusion dans l’esprit des gens si bien que les deux expressions françaises furent utilisées dans le même sens et « arriver comme mars en carême » prit le sens « d’arriver mal à propos » avec une connotation de « carême » comme événement dont on se passerait volontiers et qui ne semble pas bienvenu.

On trouve dans un recueil espagnol, publié en 1553, la trace de ce proverbe : « No puede mas faltar que Marzo de quaresma » ce qui veut dire : « Cela ne peut manquer non plus que mars en Carême. »

Du Carême et de ses 40 jours de jeune on a dit déjà beaucoup de choses. Le mot vient du latin populaire quaresĭma, altération de quadragesima (sous-entendu dies) « quarantième jour », le Carême se situant quarante jours avant Pâques.

C’est un temps d’abstinence et de jeûne qui comprend quarante jours entre le mardi-gras et le jour de Pâques, les dimanches n’entrant pas dans le calcul. Quelques expressions populaires : « faire carême », ou « faire le carême » ou encore « observer le carême » se réfèrent à l‘évidence au fait de s’abstenir de manger de la viande à certains jours prescrits pendant le temps du carême. Et « rompre le carême », « rompre carême » c’est cesser d’observer l’abstinence de carême et manger des viandes défendues. Plus curieuse est l’expression « amoureux de carême » pour désigner un amoureux timide ne touchant pas à la personne chère à son cœur. « Elle jeûna tout un carême, et resta sans commettre le moindre péché » ; écrit Honoré de Balzac dans Modeste Mignon en 1844

Abstinence aidant on dit de quelqu’un qu’il est « pâle comme une vessie de crème » ou qu’il a une « face de carême » quand il a le visage blème et par extension quand il est triste ou fait la gueule ! que l’on soit en temps de Carême ou non !

Sous l’Ancien régime, le jeune était d’autant plus observé que l’autorité tenait à ce que chacun jeûnât suivant l’ordonnance de l’Église. Dès que sonnait minuit, le mardi-gras, les boucheries et les triperies fermaient officiellement leurs grilles pour ne les rouvrir que la veille de Pâques.

Quarante jours sans manger de viande !... À l’époque de Louis XIV, il en était encore ainsi, et Mercier, qui écrivait son Tableau de Paris, vers 1780, se rappelait avoir vu, postés dans les rues, des agents du gouvernement, chargés de vérifier le panier des ménagères et de confisquer — à moins qu’on présente une « dispense » -tous les aliments gras qui s’y pouvaient trouver

Pour porter à un malade une bouteille de bouillon, on dissimulait le séditieux flacon dans une boîte à perruque. Il arriva même que les archers saisirent le dîner - potage et poulardes - que Son Altesse sérénissime, le prince de Condé, en temps prohibé, se faisait porter de son hôtel au jeu de paume de la rue Mazarine.

Au temps de Louis XVI, on note une évolution. Les boucheries étaient ouvertes pendant toute la durée du carême, et, quoiqu’elles fussent beaucoup moins achalandées qu’à l’ordinaire, il était loisible à chacun de manger à sa fantaisie, sans risquer l’amende ou la confiscation. Néanmoins, l’immense majorité des Parisiens se privait d’aliments gras et gardait sévèrement l’abstinence ; ce temps d’épreuve se terminait par l’hygiénique et dépurative foire au pain d’épice, suivie, dès que se levait l’aurore pascale, des ripailles de la foire aux jambons.

Peu à peu, la philosophie aidant, on se relâcha de ces mesures draconiennes ; « Prêtres idiots et cruels ! à qui ordonnez-vous le carême ? Est-ce aux riches ? ils se gardent bien de l'observer. Est-ce aux pauvres ? ils font carême toute l'année. Ecrit Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique, en 1769.

La Révolution changea les choses, et le carême, tenu pour superstitieux, fut une des premières coutumes qu’elle abolit. N’était-il pas indigne que, sous le règne de la raison, un homme libre fût astreint, par un usage datant des siècles d’obscurantisme, à se priver de certains mets et à observer une réglementation qui n’avait pas sa raison d’être ? À quoi bon un carême ? demandaient les esprits forts. Comment l’homme peut-il imaginer se rendre agréable à l’Être suprême en se privant, à certains jours, d’aliments fortifiants. « Mangez à votre guise, bonnes gens : le hareng saur n’est pas plus agréable à Dieu que le gigot de mouton, et les moines, qui ont inventé ce burlesque mode de pénitence, ne sont plus là pour prêcher le jeûne et l’abstinence que, pour leur part, ils n’observaient guère. »

Cette théorie fut ironiquement développée par Chaumette, par Camille Desmoulins, par Fabre d’Églantine, par Barère, et par tous les démolisseurs du vieux monde qui, en même temps que le carême, supprimaient la Noël, Pâques, le dimanche, et, afin que toutes ces superstitions disparaissent, inventaient un nouveau calendrier, dont les bonnes gens, avec bien de la peine, essayaient de se fourrer dans la tête les noms barbares et complexes divisions.

Le dernier carême fut celui de 1793 : à partir de l’automne de cette année-là, on dut compter par décades, autrement dit par semaines de dix jours ; le nouveau calendrier ne prévoyait plus la fête pascale ; par conséquent, plus de quinquagésime ni de quadragésime ; donc, plus de jeûne. Oubliée, abolie, cette ridicule coutume, et l’on s’embarqua triomphalement dans l’année nouvelle qui, pour mieux dérouter les gens, avait commencé le 22 septembre, Pour le coup, c’était bien fini des antiques préjugés et le règne de la Raison était enfin venu.

Mais voilà que dès le commencement de ventôse, an II c’est-à-dire 1794 - époque qui concordait avec le ci-devant mois de février - on s’aperçut qu’une grande disette était proche, ne manquant pas d’attribuer la raison de cela au gouvernement qu’on accusait d’administrer le pays avec moins de prévoyance que l’ancien. La guerre civile et extérieure avait arrêté les approvisionnements. Le beurre manquait ; la volaille atteignait un prix exorbitant ; le dindon, qui jadis, coûtait quatre livres, en valait maintenant vingt-cinq. Les paysans, dont les grains avaient été réquisitionnés pour le service des armées, ne pouvaient plus nourrir leurs poules et leurs poulets : le sac de blé montait à 200 livres, et, aux portes même de Paris, on ne trouvait plus, dans les auberges, un morceau de pain. La viande, à Paris, manqua presque complètement.

Or on était précisément, à l’époque où, sous l’Ancien Régime, commençaient les jours de pieuse abstinence du Carême.

La Convention, qui avait absorbé tous les pouvoirs et assumé toutes les responsabilités, dut s’occuper de cette famine menaçante. Barère se chargea d’exposer la situation : il commença par rappeler « ce que les capucins appelaient ridiculement un carême ». Mais, n’oubliant pas le peuple qui hurlait la faim, il fit remarquer que ces carêmes de jadis avaient du bon : « La renaissance du printemps, dit-il, commande à l’homme, bien plus que les pratiques de la superstition, de changer ses aliments, de se rapprocher quelque temps des ressources que la végétation fournit à la santé publique. Mais ce n’est pas au législateur à imiter le prêtre ; ce n’est pas à la Convention nationale à faire ce que Moïse et le pape ont ordonné... » Et il conclut tout de même en ordonnant à tous les Français de jeûner... pour la liberté, plus sainte que toutes les institutions religieuses, et de « s’imposer une frugalité civique pour le maintien de leurs droits ! ».

Le boucher Legendre, l’un des plus fougueux patriotes de l’assemblée, surgit à la tribune, et entama l’éloge du carême, contre lequel, il avait quelques mois auparavant - en sa qualité de boucher - lancé bien des foudres ; il renchérit sur la proposition de Barère et proposa, tout rondement, de décréter un « Carême civique. » Il parlait en connaisseur :

« Dès que le premier coup fut porté aux prêtres, dit-il, on mangea de la viande pendant le carême. Eh bien, on mangea alors des bœufs qui ne devaient être bons qu’à Pâques... Décrétez le carême que je vous propose ; autrement il viendra malgré vous. L’époque n’est pas éloignée où vous n’aurez plus ni viande ni chandelle. Les bœufs que l’on tue aujourd’hui ne donnent pas assez de suif pour les éclairer à leur mort. La Normandie fournissait des bœufs depuis la saint Jean jusqu’à cette époque-ci : ses herbages sont épuisés. Ne vous bornez donc pas à une simple invitation, mais décrétez qu’il y aura, dans toute la République, un Carême civique ! »

Les mêmes législateurs, dont le désordre et l’incurie avaient amené la disette, proclament alors que le carême était une excellente chose, que rien n’est plus hygiénique et plus sain que de s’abstenir de viande au début du printemps, et de se nourrir de légumes Il fallait que les illusions du peuple français sur le régime parlementaire, alors à ses débuts, fussent bien profondes pour accepter cette décision.  

Si, en ce temps-là, « le ridicule avait tué », il est certain qu’aucun des conventionnels n’aurait survécu à ce revirement. Chacun serra la boucle de sa ceinture et accepta, sans mot dire, le « Carême civique ». Voilà comment, après avoir, durant tant de siècles, jeûné de leur plein gré, sous la tyrannie, les Français jeûnèrent encore, mais par ordre, cette fois, sous le règne de la liberté.

Ce faisant, l’instauration de ce « Carême civique » nous rapproche aussi du « baptême républicain », triste copie d’un rite chrétien !  Le peuple a besoin de rites, et nous voyons bien, à une époque où le religieux est en net recul que le peuple s’attache à reproduire des gestes d’ancien temps sans se poser de questions sur leurs origines religieuses. Par exemple pour les mariages en mairie !!

Je ne peux pas ne rien dire sur ce dimanche 5 mars, jour de la fête des grands-mères où toutes les mamies de France sont à l'honneur. Pourtant cette fois nous sommes sur une création purement commerciale, instaurée en 1987 par la marque de café Grand'Mère, qui avait pour unique but de promouvoir sa marque qui venait alors de fêter ses vingt ans. 

Malgré son origine purement commerciale, la fête des grands-mères a trouvé sa place dans les mœurs françaises. Elle est célébrée chaque année depuis 31 ans, le premier dimanche du mois de mars, mais reste une fête officieuse, qui n'est pas inscrite au calendrier officiel contrairement à la fête des mères ou la fête des pères. 

Si l'objectif premier de la marque Grand'Mère était de faire parler d'elle dans l'espoir d'augmenter ses ventes, ce sont désormais les fleuristes qui semblent profiter de cet événement annuel.

En France, on ne célèbre que les grands-mères le premier dimanche de mars, et non l'ensemble des grands-parents, contrairement à certains pays. Si bien que, pendant de nombreuses années, il n'y avait aucune fête en l'honneur des grands-pères français. 

Pour réparer cette injustice, une fête des grands-pères a été instaurée en 2008. Elle a été créée par Franck Izquierdo, un auteur et inventeur français, Médaille de bronze (Prix du Préfet de Police) lors du Concours Lépine 1991 pour l'invention d'une Brosse à dents jetable !  Cette nouvelle fête a désormais lieu le premier dimanche d’octobre.

Je vous ai souvent parlé des influences de la lune sur le temps. Les différents calendriers lunaires dans lesquels je puise souvent mes références, disent tous : « les changements de temps, s’ils doivent avoir lieu, se produisent au lunistice et plus particulièrement le troisième jour » et « les jours où la lune coupe l’équateur céleste, il y a presque toujours perturbation ». Le lunistice c’est la position extrême de la lune, soit la plus haute vers le Nord, soit la plus basse vers le Sud. Or si vous regardez où est la Pleine lune de ce 7 mars vous verrez qu’elle est très haut dans le ciel et elle va descendre doucement vers le sud. Nous serons donc en lune décroissante et en même temps descendante jusqu’au 19 jours du périgée, point le plus près de nous – nom masculin contrairement à ce qu’on pourrait penser. Or le 20 mars, c’est jour de l’équinoxe de printemps et la Nouvelle Lune le 21. Je relève que cette année les grandes marées seront bien des « marées de l’équinoxe » avec de forts coefficients de plus de 100 les 21, 22, 23 et 24. Cela n’augure rien de bon. D’ailleurs les prévisions météorologiques pour les jours qui viennent ne nous annoncent pas du beau temps. Le mois de mars est fidèle cette année à sa réputation et pourrait nous réserver des surprises en fin de mois pour les célèbres et redoutés « Vaquerieu » dont je vous ai déjà entretenu. « Ce que mars couve, on le sait après son trente et unième jour. » ou « Soit au commencement, soit à la fin, Mars nous montrera son venin. » Et pourtant c’est le printemps que nous attendons et qui arrive ! Mais cette année encore avec les longs et surprenants débats autour de la réforme des retraites, les vers de Théophile Gautier restent d’actualité, d’autant plus que la tournure non seulement des débats chez nos élus mais les manifestations annoncées dans la rue prennent un caractère vraiment pervers. C’est le Printemps des poètes et comme le dit la chanson : « le poète a toujours raison » !

Tandis qu’à leurs oeuvres perverses

Les hommes courent haletant

Mars qui rit malgré les averses

Prépare en secret le Printemps.

Le passage à l'heure d'été au matin du 26 mars, contesté ou attendu nous permettra de profiter de jours plus longs et d’un peu plus de soleil, ! Addisias !

Jean Cévennes, le 5 mars 2023