Nous fêtons la Saint Valentin ce 14 février et les publicités de toutes sortes nous envahissent et nous agressent même, il me semble un peu moins cette année, vu le contexte ambiant ! Mais connaissons-nous les origines de cette fête ? Un rappel me parait nécessaire en ces temps où la dimension commerciale s’est emparée de la chose. Certes nos commerçants frappés par la crise liée à la pandémie ont besoin de relance. Mais pas n’importe comment alors qu’il y a peut-être moyen en se référant aux origines de nos traditions, de faire preuve d’imagination. Voyons un peu de quoi il s’agit !

Après la chute l’Empire romain, en 476, on assiste une décadence de l’administration et des règles de toutes sortes. Face à une absence d’autorité capable de s’imposer, l’Église, conserve une organisation stable et forte. Les autorités ecclésiastiques, en reprenant certains rites et en les « christianisant » tentent de donner un sens plus acceptable aux fêtes et aux coutumes qui dégénéraient en toutes sortes de débordements.

Le Pape Gélase (492-496) un pape né en Kabylie, à une époque où le Maghreb était en grande partie chrétien, bien avant la fondation de la religion musulmane, fut à l’origine, pourrait-on dire, des premières règles établissant la nécessaire séparation de l’Eglise et de l’Etat. On connaît les 43 lettres de ce pape, conservées au British Muséum, et dont une publication a été faite en 1885. Elles traitent toutes de la gestion et de l’administration de l’église. Ce rappel est important au moment où ce sujet de séparation reste en pleine actualité.

Ces instructions papales furent notamment à l’origine du mot « fabrique » et donc des conseils de fabrique ancêtres des conseils de gestion des paroisses catholiques, ce qui nous vaut ces fameux « bancs de fabrique » ou « banc des marguilliers » qui trônent encore dans quelques églises. A la cathédrale d’Uzès, ce banc, se trouve en haut du bas-côté droit, proche de la porte des sacristies. 

La saint Valentin s’inscrit dans ces réformes. Pour tenter de faire disparaître ce qui était devenu une véritable fête du sexe, « les Lupercales », on se souvint de la belle histoire du prêtre Valentin et on instaura sa fête le 14 février.

Les Lupercales que le Pape Gélase tentait de faire disparaitre en créant d’autres rites et coutumes étaient une grande fête de l’amour et de la fécondité

Ces fêtes, s’inscrivaient, dans la série des cérémonies de purification et d’expiation des offenses commises envers les dieux. A cette occasion les maisons étaient traditionnellement nettoyées (c’est notre nettoyage de printemps !). Après avoir balayé les pièces intérieures, on les aspergeait de sel et de blé. C’est ce rite de la purification des maladies et des fièvres, « februa », qui est à l’origine du mot février. On retrouve le thème de purification dans la fête du 2 février, autrefois appelée fête de la Purification et de la Chandeleur, avec le thème de la fécondité et de l’amour dans la saint Valentin.

L’empereur Claude (214-270), dit « Le Cruel » ou « Le Gothique », avait beaucoup de difficultés pour trouver des soldats pour ses multiples campagnes militaires. Il décida d’interdire le mariage de ses soldats car, pour lui, les hommes mariés ne faisaient pas de bons soldats. Valentin qui était prêtre de la religion chrétienne, décida alors de marier secrètement les jeunes amoureux. Pour avoir transgressé la loi, Claude le fit arrêter. On était en 268. Dans sa prison, Valentin fit la connaissance de son geôlier qui avait une fille aveugle, du nom de Julia. Touché par la douleur de cet homme, il rendit la vue à cette enfant, devint l’amant de Julia, ce qui ne posait pas de problème particulier alors, et convertit toute la famille à la religion chrétienne. L'empereur ne tarda pas à apprendre le miracle. Valentin fut battu, brisé par les coups de bâtons des soldats romains, pour être enfin décapité sur la voie flaminienne, le 14 février 268. La légende dit que Julia planta un arbre sur sa tombe. Cet arbre aux fleurs blanches légèrement teintées de roses, qui commence à fleurir en cette période dans nos régions méridionales était sans doute un amandier, symbole d’Amour et d’Amitié.

« A la font de Nîmes, I a un amètlier que fa de flors blancas coma de papier  ! Se canta que canta… » (air connu).

Il existe à Rome une catacombe de saint Valentin, témoin de la vénération dont fut, de tout temps, entouré cet illustre martyr.

La légende de saint Valentin traversa les siècles et en 1496, sur décision du pape Alexandre VI, un Borgia, saint Valentin devint le patron des amoureux, des fiancés et de tous les jeunes gens et jeunes filles. Belle occasion de célébrer tous ceux qui vont, se marier dans l’année.

La Saint Valentin et les Poètes ! ou quand la poésie s’en mêle ! De façon plus poétique, on explique aussi l’origine de la fête de la saint Valentin parce qu’on disait en Angleterre, au Moyen-Age que les oiseaux commençaient à s'accoupler pour le 14 février. Un vieux proverbe occitan dit la même chose de façon élégante : « Per la San valentin, l'agasso mounto sou pin; si noun li jai, ti tengues paga gai ». Proverbe qu'on peut traduire ainsi : pour la saint Valentin la pie monte sur le pin; Si elle n'y fait pas son nid, ne te réjouis pas trop vite. Ce proverbe est lié à l'observation du temps de ce jour de milieu février, où la nature, comme en ce moment, fait  ressentir les premiers frémissements d'un réveil du printemps entre deux périodes de froid. L'oiseau se perche dans l'arbre, mais il faut voir s'il va ou non commencer d'y faire son nid. S'il ne commence pas son travail ce jour-là, c'est signe que l'hiver n'est pas encore fini. Ne manquez pas d’observer nos amis les oiseaux en ce moment !

On dit aussi que Charles d’Orléans, prisonnier de si longues années (25 ans)  en Angleterre après la défaite d’Azincourt, avait observé ainsi le jeu des oiseaux, et qu’il aurait alors imaginé d’écrire des messages d’amour et de tendresse à sa bien-aimée, messages qui sont devenus, après qu’ils aient été institués à la Cour de France, « les valentines », ces cartes décorées de cœurs et de cupidons, ornées de dentelles, de soie, de satin, de fleurs, voire aussi parfumées, qui apparurent à l’époque victorienne et que Monsieur Howland, papetier américain importa aux USA en 1848 et dont on dit que les Américains sont très friands…

C’est pendant cette longue captivité qu’il écrivit quelques admirables poèmes dont le rondeau si connu :

Le temps a laissé son manteau

De vent, de froidure et de pluie

Et s’est vêtu de broderie,

De soleil luisant, clair et beau

Il n’y a ni bête ni oiseau

Qu’en son jargon ne chante ou crie :

Le temps a laissé son manteau

De vent de froidure et de pluie.

Rivière, fontaine et ruisseau

Portent en livrée jolie

Gouttes d’argent, d’orfèvrerie ;

Chacun s’habille de nouveau :

Le temps a laissé son manteau.

La Saint Valentin à Roquemaure. Plus près de nous, des reliques de saint Valentin reposent dans l’église de Roquemaure. En France, la maladie de la vigne, le fameux phylloxéra,  est observée pour la première fois vers 1863 sur le plateau de Pujaut près de Roquemaure. Ce sont les « tâches de Roquemaure ». C’est la catastrophe pour le vignoble mais aussi pour l’activité du port de Roquemaure. Le riche propriétaire du domaine de Clary, à Roquemaure, décide de faire l’acquisition, à Rome, d’un saint protecteur Il revient de Rome avec des reliques de Saint Valentin, sans qu’on puisse établir un lien entre ce saint et la maladie de la vigne ou même avec la culture de la vigne. Pouvoir des reliques

Le 25 octobre 1868, l’évêque de Nîmes, Monseigneur Plantier, célèbre l’arrivée des reliques, dans une grande liesse populaire. Sur la place de la Pousterle, le panégyrique de saint Valentin est dit en présence d’une foule immense qui ensuite accompagne les reliques vers la collégiale où désormais elles demeurent dans une chasse.

En 1988, le curé de Roquemaure, propose de commémorer cet évènement et d’organiser chaque année une grande fête de l’amour et de l’amitié, si bien que Roquemaure est devenue, dans notre région, la capitale des amoureux avec sa « Festo di poutoun ». De grandes festivités ont lieu chaque week-end proche de la saint Valentin. Les gens du pays, habillés comme en 1868, font revivre les métiers d’autrefois, et défilent en cortège (plus de 800 personnes). Si vous habitez dans la région, allez voir, vous ne serez pas déçus. Mais attention cette année : pas de bisous !

Les Amoureux de Peynet. Ce n’est que plus tard que le fameux dessin de Peynet des amoureux du kiosque de Valence donnera à cette fête une nouvelle popularité. Peynet publiait depuis longtemps déjà des dessins dans la presse parisienne. En 1942, alors qu’il se trouvait à Valence, dans la Drôme, devant remettre un pli confidentiel à un correspondant. Il était au point de rendez-vous, assis sur un banc, face au kiosque à musique (classé Monument Historique depuis 1982). Le site officiel de la famille Peynet coupant court à d’autres interprétations, nous dit que c’est là qu'il imagina un petit violoniste aux cheveux longs qui jouait tout seul dans le kiosque et une admiratrice qui l'écoutait Quelques années plus tard, le violoniste a donné sa place au poète... et l'admiratrice est devenue sa compagne

"Les Amoureux de Peynet" étaient nés ! Ils ont fait le tour du monde... sur des porcelaines, sur des écharpes, sous forme de poupées, dans des livres, sur des médailles, en statues (telle celle élevée à Hiroshima au Japon) ... sur tout ce qui symbolise l'Amour !

Pour ce qui est du temps, des dictons du temps et de la lune :« Tel temps le jour de la saint Valentin, tel temps au printemps qui vient. »

Il a fait doux et beau depuis le début du mois de février. Or il faut se souvenir de la jolie légende de l’ours et ne pas se réjouir trop tôt . Février n’a pas donné de la tête comme c’est arrivé souvent.  Le soleil du 2 février a fait sortir l’ours de sa tanière pensant que la douceur ambiante et le beau ciel bleu, annonçait la fin de l’hiver. Voyant son ombre au soleil du 2 février au matin,  l’ours a pris peur et il est retourné bien vite dans sa tanière, signe que l’hiver 2023 n’était pas fini !

Les prévisions pour cette deuxième quinzaine de février vont dans ce sens et la fin févier et le début du mois de mars seront plus froid, notamment à partir de la Nouvelle Lune du 20 février.

L’approche de la Nouvelle Lune amène presque toujours des perturbations importantes.

Nos Anciens ne s’y sont pas trompés qui nous disent : « février est un malin qui cache l’hiver au fond de son sac ! ». Février est le mois de tous les retournements et du temps le plus hasardeux. « Février, le plus court des mois, est de tous le pire à la fois » ; ou « Février de tous les mois, le plus court, le plus matois » ; et encore : « Février n’a pas deux jours pareil » ou : « Février tourne son bonnet sept coups devant derrière ! »  C’est bien ce qui risque de se produire.

Attention donc au jours qui suivent car : « Si février ne donne de la teste, Il donnera de la quoueste. »

Quoiqu’il en soit, s’il ne gèle pas trop fort c’est le moment de tailler les plantes grimpantes, de bouturer le buis, de terminer la taille des fruitiers et de la vigne : « Vigneron à la saint Valentin, doit avoir la sarpe à la main ! »

Aux foires de la saint Valentin, les paysans achetaient la sarpe, ou serpette, ce petit couteau à manche cintré dont la courbure facilite la taille des sarments. Les outils aujourd’hui sont plus perfectionnés !

Bonne fête des amoureux, Bonne fête des amours, Bonne festo di poutoun (des bisous…) comme on dit à Roquemaure ! Bonne Saint Valentin !

Jean Mignot le 14 février 2023