
La lignée de l’aigle
Extrait du roman historique de J.A. Pachès
Chapitre II : 1645 - La vie en pays cévenol
Photo : Caillou
Les jours suivants, Mamie revint avec sa merveilleuse bouteille de lait et continua jusqu’à ce que j’aie un an et mange des purées avant les autres délicieux plats cuisinés de maman. Je n’ai plus jamais eu d’autre maladie. Est-ce à cause du lait de SA chèvre ou bien de la mystérieuse poudre ? Nous le saurons bien quelques années plus tard…
Quant à mon demi-frère de placenta, il s’adapte admirablement bien à son nouvel environnement ! L’abondance de gibiers supplée à son inexpérience. Les lièvres et les lapins sont rusés, il a beaucoup de difficulté à les surprendre. Le prince des airs doit souvent se rabattre sur des proies moins honorables, tels des couleuvres, des hérissons ou même des crapauds. Mais, comme dirait mamé : « Tot fa ventré ! » (Tout fait ventre)
Parfois, l’envie le prend de faire un piqué sur une basse-cour attenante à un nid de deux-pattes ; toutes ces belles poules grasses et dodues sont bien tentantes, mais, se souvenant de la leçon du bâton tonnerre qui crache le feu, il s’en tient à son menu sauvage et varié.
La nouvelle de sa venue fit vite le tour du village. L’endroit où il avait construit son aire, dans le donjon écroulé, étant un secret de polichinelle.
Vous aurez sans doute compris, quand il parlait d’un immense nid à deux pattes, qu’il faisait allusion dans ses termes à un château fort. Le premier, grouillant d’humains, à la jonction des trois vallées, s’appelle le château de Portes ; il appartenait au marquis Antoine-Hercule de Budos, maître de camp du régiment du Languedoc et vice-amiral de France. C’était le frère aîné du bon baron et seigneur de Saint-Jean, Henri de Budos. À la mort tragique du marquis, dont nous aurons écho plus avant, Henri de Budos prendra son titre et gérera ses domaines avec sagesse jusqu’à la majorité de sa nièce Marie-Félice, fille unique d’Antoine Hercule de Budos et de Louise de Crussol, de la puissante famille des ducs d’Uzès dont le beau duché était tout près.
Quant au deuxième château fort dominant notre bourg, il fut détruit avec l’église en 1629 lorsque Saint-André Montbrun, lieutenant du duc de Rohan, seigneur d’Anduze et chef des huguenots, eut envahi traîtreusement le village de Saint-Jean. Comme le seigneur des lieux possédait un autre château plus discret au milieu de la paroisse, il ne jugea pas opportun de relever l’ancien de ses ruines. C’est donc en toute quiétude que le jeune aigle put habiter cet endroit abandonné.
Extrait d’un article du Cévennes Magazine n° 2356 du samedi 6 septembre 2025 disponible chez votre marchand de journaux ou en commande sur notre site.
BONUS : Une magnifique vidéo de Caillou des Cévennes, qui vous propose une vue spectaculaire du château de PORTES comme vous ne l'avez jamais vu !!! Bon visionnage.