De la sieste et des deux pleines lunes d’août 2023
Le mois d’août reste celui de la période de canicule et tandis que les vacanciers, estivants ou autres personnes en congés, « les aoûtiens », ne pensent qu’aux baignades, fêtes et loisirs d’été en tous genres, sans oublier la sieste, le paysan s’active dans ses champs : « En août et en vendanges, il n’y a ni fêtes ni dimanches » car « qui dort en août dort à son coût ». En Cévennes chez moi, on dit : « passat lou 15 de agoust pas pus de dormido ni mai de goustarous ! » « Après le 15 août, plus de sieste ni de goûter ».
« Je suis Aoust auquel nul grant loysir
Ne doit prendre ne séjounre,
Mais faucher, fener par plaisir,
Mettre en grange, battre et venner… »
Il faut en effet que les travaux des champs reprennent bien vite bien qu’il faille se garder des excès quand il fait trop chaud. Même la sieste est proscrite comme le conseille le Grand Calendrier des Bergers de Guiot-Marchand en 1496 dans ce quatrain.
De nombreux dictons donnent les mêmes recommandations : « En août quiconque dormira sur le midi s’en repentira ». « Quand même la couche serait à ton goût ne dors pas sous le soleil d’août » ou encore : « En canicule point d’excès, en aucun temps point de procès.
La sieste est si bénéfique qu’on en parle de plus en plus et qu’on écrit même des livres pour en vanter les bienfaits. Alors voici une approche de la sieste « à ma façon ».
Sieste vient du latin « sexta » la sixième heure du jour, heure de prières dans les monastères et pour bien des croyants.
On distingue plusieurs types de siestes : la « sieste éclair » qui dure généralement entre 10 et 30 minutes — cette durée est d'ailleurs généralement conseillée car au-dessus de 30 min de sieste il est assez difficile de revenir rapidement à l'état d’éveil ; la "sieste royale" à partir d'une heure ; la « micro-sieste » qui dure moins de 5 minutes. La sieste permet de regagner de la concentration et de l'énergie, et met de bonne humeur. Il est tout de même conseillé de ne pas commencer à faire la sieste après 16 h pour ne pas avoir d'effet négatif sur la nuit suivante.
La sieste est couramment pratiquée dans les pays chauds, aux heures les plus chaudes lorsque le soleil est au zénith : la chaleur ne permet pas d'activité très physique et le travail est remis aux heures plus fraîches.
Les « parisiens » et autres gens du Nord, considèrent souvent la sieste comme un « luxe », un temps volé au temps de travail ou à d'autres activités ou même associé à la paresse, alors que le premier objectif de la sieste, c’est d’échapper à la chaleur écrasante : ne pas se fatiguer davantage quand le thermomètre grimpe trop haut. Climatisation aidant ils débarquent chez vous sans tenir compte de ces heures ou le repos est « sacré ». Ne leur proposez pas d’arriver chez vous dans l’après-midi. Ils vont arriver entre quinze et seize heures ! il faut les inviter à l’apéro mais pas avant 19h ! …
« La sieste est pratiquée tout autour de la Méditerranée : en Égypte, en Grèce, au Moyen-Orient », raconte l’historien et écrivain Robert Colonna d’Istria, « et je constate que c'est là qu'est née la civilisation et les plus grands empires." …
En Provence et chez nous c’est la siesta, ou la dormido (prononcer « dourmido » ; ou le « pénéquet » un petit somme à la provençale, un de ces symboles de l'art de vivre en Provence, associé au soleil, au jeu de boules et au pastis ! Bien que cela ne soit pas réservé aux habitants de la Provence, ce moment magique prend toute son importance dans notre région, d'autant plus lorsque la chaleur devient de plus en plus accablante. Comment résister, après une bonne matinée passée à la pétanque, sport traditionnel populaire, après un apéritif bien arrosé de "petit jaune», suivi d'un bon repas, comme l'aïoli par exemple - qui demande toute l'énergie possible pour réussir une bonne digestion - à l'appel d'un petit pénéquet ? C'est la question que se posent tous les provençaux lorsqu’après le repas, le silence en devient imposant, seulement interrompu par le chant des cigales. C'est alors le moment de se glisser sur une chaise longue, à l'ombre des grands arbres ou encore derrière les volets croisés d'une maison contenant encore la fraîcheur de la nuit précédente ! Le pénéquet est à présent en train de gagner les esprits et de plus en plus de partisans d'une sieste qui deviendrait obligatoire se font entendre, louant les bienfaits d'un petit somme d'un quart d'heure par jour afin d'améliorer la mémoire, les jugements ainsi que la créativité de tous. Alors ne dénigrons pas cet instant sacré !
De là à faire l’éloge de cette pratique, il n’y a qu’un pas !
Un ancien président de la république a préfacé le livre de Bruno Comby : « Eloge de la Sieste ».
« C'est avec un peu d'étonnement que j'accueillais la proposition de Bruno Comby d'écrire une préface à son "Éloge de la sieste", un peu d'amusement aussi, car je gardais en mémoire les recettes de Monsieur Comby pour mieux vivre : en particulier, ses préparations culinaires à base d'insectes, paraît-il délicieuses, à la tentation desquelles j'avoue, à ma grande honte, n'avoir pas encore cédé...
Mais, à bien y réfléchir, partant de mon expérience de la sieste, de tout ce qu'elle m'apporte et de tout ce qu'elle m'autorise dans mon emploi du temps, cette idée d'un ouvrage qui serait, à la fois, un encouragement à pratiquer la sieste et un mode d'emploi m'a finalement conquis. A condition, toutefois, d'être bien comprise.
Et ce n'est pas facile chez nous où le fait d'évoquer le repos suscite souvent la plaisanterie. Il n'est qu'à se rappeler combien notre humour populaire aime à railler la sieste et ceux qui la pratiquent. On continuera, longtemps sans doute, à sourire de la prétendue paresse des latins qui observent, depuis la plus haute antiquité, cette pause des débuts d'après-midi où la chaleur rend toute activité pénible. Pourtant, comme il est maladroit de confondre sommeil et paresse !
Le repos est une affaire sérieuse, dont la qualité conditionne notre existence. De nombreuses religions ont sacralisé le sommeil dont Charles Péguy écrivait qu'il est "l'ami de Dieu [et] de l'homme". Les anciens savaient que la clé des songes est aussi celle de l'équilibre et du bonheur, et recommandaient la pratique de la sieste.
Il est de fait qu'elle facilite grandement la vie de ceux qui la pratiquent régulièrement, soit qu'elle les repose, tout simplement, soit encore, je peux en témoigner, qu'elle leur octroie, pour travailler, les extraordinaires créneaux d'efficacité intellectuelle de la nuit.
Parmi nos illustres contemporains, André Gide, qui en était le fervent adepte, avouait lui consacrer deux heures quotidiennes, parfois plus, et en tirait une grande satisfaction.
Il y a des raisons biologiques à cela, et Bruno Comby s'emploie à les analyser avec toute sa rigueur scientifique, en bousculant au passage, comme il en a l'habitude, quelques idées reçues.
Non, la sieste n'hypothèque pas le sommeil nocturne. Au contraire, l'auteur conseille de fractionner le sommeil, pour obéir aux rythmes naturels de l'organisme qui pourra ensuite se contenter de nuits écourtées.
Oui, la sieste est une recette d'équilibre à la portée de tous, quand on sait qu'un seul quart d'heure de bon repos suffit pour réparer les plus grandes fatigues.
Plus qu'un éloge, le livre de Bruno Comby sera le précieux partenaire de tous les hommes et de toutes les femmes pressées qui pensent qu'une journée de vingt-quatre heures est trop courte, et pour les autres, un guide vers de nouveaux horizons d'équilibre et de détente véritable. » Jacques Chirac
Thierry Paquot, dans son essai : « L’art de la sieste », met l’accent sur la maîtrise du temps et la reconnaissance d’un temps à ne rien faire d’autre que… dormir ! « Laissez-vous aller, allongez-vous, ne résistez pas à l’appel de la sieste, à ce plongeon voluptueux dans le sommeil diurne ! Dormez, rêvez, rompez les amarres avec la rive du quotidien chronométré ! Décidez de votre temps, siestez ! »
Alphonse Daudet dans plusieurs de ses œuvres et bien sûr dans les « lettres mon moulin » décrit ce moment de la journée où tout est calme, les routes et rues désertes, volets fermés… Par exemple dans « les deux auberges » :
« C’était en revenant de Nîmes, une après-midi de juillet. Il faisait une chaleur accablante. À perte de vue, la route blanche, embrasée, poudroyait entre les jardins d’oliviers et de petits chênes, sous un grand soleil d’argent mat qui remplissait tout le ciel. Pas une tâche d’ombre, pas un souffle de vent. Rien que la vibration de l’air chaud et le cri strident des cigales, musique folle, assourdissante, à temps pressés, qui semble la sonorité même de cette immense vibration lumineuse… Je marchais en plein désert depuis deux heures »…
A Cucugnan, ce village d'Occitanie, en Roussillon et non en Provence, bien connu pour son curé, le village a pris l’initiative de créer un lieu dédié à la sieste…Au pied du château de Queribus c’est un espace de repos, d’observation et de sensibilisation au patrimoine naturel environnant.
Le Pont du Gard, le lundi de Pâques, propose une « sieste musicale » moment où on oublie notamment les tracas qui envahissent la vie quotidienne.
En Espagne, les horaires des bureaux laissent aux Espagnols le temps de faire la sieste : ils reprennent le travail dans l’après-midi, vers 15 ou 16 heures. En revanche, ils finissent plus tard, entre 20 heures et 21 heures. Le gouvernement essaye sans succès de modifier cette habitude peu conforme aux exigences de la mondialisation : les horaires des fonctionnaires pourraient désormais finir à 18 heures. L’État espère ainsi inciter les entreprises à suivre la même voie.
En Chine, le droit à la sieste est inscrit dans la Constitution de 1948, article 49 : « Ceux qui travaillent ont droit à la sieste ».
Au Japon, de nombreuses entreprises japonaises ont aménagé dans leurs locaux des espaces destinés à la sieste plus ou moins forcée de leurs employés.
Dans les pays plus froids, la sieste est moins courante. Les enfants en bas âge ont souvent besoin d'un tel moment de repos, au moins sous la forme d'un « temps calme » organisé dans les structures d'accueil (écoles, centres de loisirs ou de vacances).
Nous pourrions chanter avec Fernandel : « Le tango Corse, c'est un tango conditionné / Le tango Corse, c'est de la sieste organisée / (...) Le tango Corse, c'est l'avant-goût de l'oreiller », avec toute la lenteur voulue.
Françoise Hardy elle aussi nous invite à ce temps de repos :
« Et si tu mettais Le répondeur, C'est mieux que les boules Quiès
T'as pas remarqué que c'est l'heure de faire la sieste...
T'agiter trop tôt serait une erreur, t'as besoin de repos... »
La sieste nous a laissé au moins trois mots étroitement liés à sa pratique.
Le "radassier"; cette sorte de canapé à structure de bois et à assise de paille, à trois places , peu confortable.« Radasser » c’est « se reposer » du verbe radassa dans les parlers du Midi.
« La méridienne » terme surtout employé pour désigner un fauteuil plus confortable sur lequel on se repose ; un canapé à deux chevets de hauteurs inégales qu’on a baptisé « récamier » à cause du célèbre portrait de David, et dont la partie basse peut être rabattue à l’horizontale.
Le « sofa » sorte lit de repos à trois dossiers qui sert de siège, et que l'on confond souvent avec un canapé. « On appelle un sofa une espèce de lit de repos à la manière des Turcs ».
Et autres « chaises longues » et « transat ».
Différents auteurs ont parlé de la sieste ou décrit ce moment privilégié. Les peintres nous en ont laissé des tableaux célèbres : Van Gog, mais aussi Millet et Pissaro.
Nous étions en Nouvelle Lune le 16 août, moment où la nuit est noire, favorable à l’observation des Etoiles. Ceux qui pour la Nuit des étoiles s’étaient placés dans des points d’observation loin des lumières des villes ont pu voir les fameuses Perséides ou « Larmes de Saint Laurent » Ce sont une pluie d'étoiles filantes visibles dans l'atmosphère terrestre, issue de débris aussi gros qu'un grain de sable de la comète Swift-Tuttle, une comète découverte officiellement par Adolphe Quetelet. On trouve des traces de premières observations de ces étoiles filantes sous Jules César et sous Auguste, mais ce n’est qu'entre 1864 et 1866 qu'il est établi une relation entre les Perséides et la comète dont la pluie d'étoiles filantes est issue. Ces météores sont observables lorsque les débris de Swift-Tuttle rencontrent l'atmosphère terrestre, soit dès la fin du mois de juillet jusqu'au 11 août. C'est l'essaim le plus spectaculaire et le plus populaire de l'année, étant donné qu'il se produit, pour l'hémisphère nord, lors de la période estivale.
En 42 av JC au moment où Auguste faisait célébrer les Ludi Victoriae Caesaris, des jeux en l'honneur des victoires de César voyant passer une de ces étoiles filantes on décréta que c’était l’âme de Jules César qui regagnait le ciel et les dieux et à partir de ce moment-là on ajouta aux autres noms d’Auguste « Caesar Divi Filius ».
Nous sommes en lune descendante, c’est-à-dire que sa position au-dessus de l’horizon est de plus en plus basse, alors que c’est une lune « croissante » qui passe d’une fin croissante à un cercle total, celui de la Pleine lune qui se manifestera le 31 août. Attention ! la lune ment. Ce n’est qu’au début septembre qu’elle aura l’apparence d’un C alors qu’elle décroit.
Vous avez observé comme moi le changement de temps intervenu aux alentours du 16 et de la Nouvelle Lune ! Nous sommes dans une bonne période pour faire des boutures. Il est recommandé de tailler les rosiers ayant fleuri et de les rabattre à cinq nœuds.
Cette Pleine Lune du 31 août est « triplement » remarquable. Au-delà d’être une « super moon » c’est-à-dire parmi les lunes de l’année, une des plus proches de la terre, ce qui donne l’apparence, surtout à son lever, d’un astre plus gros que d’habitude. Cette Pleine Lune sera la deuxième Pleine Lune dans le même mois, c’est plus rare. Il s’agit là d’un simple rapport entre la durée du mois lunaire et celle du mois solaire. 365,25 jours de l’année divisés par les 29,5 jours du mois lunaire, ça ne peut pas tomber juste. Cette différence aura une conséquence curieuse en 2030. Cette année-là il y aura deux mois de Ramadam dans l’année.
Pour nos Anciens., la treizième lune a toujours été signe d’une mauvaise année. Je vous laisse déduire ce que vous voulez à partir de vos observations et de ce qui se passe autour de nous, notamment en France, tant au niveau du temps que pour les évènements que nous vivons.
On appelle cette lune : « lune bleue ». L'adjectif « bleu » ne signifie pas pour autant que la lune prenne une teinte particulière lors du phénomène. Ce n'est pas un terme scientifique, mais une transcription d'une expression populaire en anglais. Ce terme viendrait de l'expression anglaise « blue moon ».
L'origine n’en est pas connue ! Son plus ancien usage attesté se trouve dans un document de 1528 attaquant violemment le clergé britannique intitulé Rede Me and Be Not Wrothe : « If they say the moon is blue / We must believe that it is true » (« s'ils prétendent que la lune est bleue, nous devons croire que c'est vrai »).
Le terme se retrouve dans l'expression anglaise « once in a blue moon », qui correspond à l'expression française « tous les trente-six du mois » et désigne quelque chose qui survient très rarement ou jamais.
Au Québec, on entend souvent dire que le terme anglais « Blue moon » (lune bleue) serait lui-même une déformation du terme français « double lune ». Des anglophones auraient pris le mot « double » pour « the blue » en anglais, et auraient depuis utilisé ce terme pour désigner la deuxième pleine lune du mois.
Je ne pouvais pas laisser passer cet évènement exceptionnel du mois d’Août 2023, laissant un peu de côté les fêtes et saisons pour d’autres chroniques. Et vous pouvez toujours relire mes chroniques des années précédentes car les fêtes, elles, n’ont pas suivi le décalage de la course lunaire.
Je souhaitais par ces quelques lignes vous faire regarder ce mois d’août d’une autre façon. Adissias !
Jean Mignot le 17 août 2023
Jean Mignot