LE FILS DU VENT - Par Carole Rodrigo
Maria, ayant fini de nettoyer les écuries, s’adossa contre le mur tiédi par le soleil afin d’assister à l’arrivée de la manade. Le soleil tombait en éclairs éblouissants sur le harnachement des chevaux. Cette cavalcade quasi féerique la remplissait bêtement de fierté. Des rafales passaient pleines d’une chaleur humide et saumâtre.
Au loin, le mugissement des taureaux emmêlé au galop des chevaux martelant le sol se hérissait du sifflement strident des hommes.
D’un revers de sa manche Maria s’essuya mollement la sueur qui coulait sur son front puis, d’un coup de langue, humidifia ses lèvres desséchées. Devant le mas du « Choucas », sur certaines buttes épargnées par le sel et le sable, germait une pelouse de trèfles et de luzerne qui rompait la monotonie des grandes sansouïres.
Par contre, derrière le « Choucas », la Camargue s’égrenait le long d’étangs et de marais en un chapelet de mas nichés sur les berges des anciens bras du fleuve. Maria plissa les yeux afin de tenir tête à l’impérieux soleil qui brûlait ses yeux sombres et jetait sur sa chevelure de jais des reflets bleutés. Il était là, en tête comme à son habitude, beau comme une apparition. Le maître rentrait au logis.
Son feutre à larges bords ombrageait un visage émacié de couleur bronze. Fièrement calé sur une selle haute, il était armé du fameux trident des gardians dont les pointes en arc de cercle semblaient cracher mille flammes sous l’ardeur du soleil.
Extrait d'un article du Cévennes Magazine n° 2308 du samedi 5/10/2024 disponible en kiosque ou en commande sur notre site internet : cevennesmagazine.fr