Bissextile ?
2024 année bissextile ? ou : février mois bissextile ? ou : 29 février jour bissextile ?
Avec cette année de 366 jours on est un peu perdu sur le terme qu’il faut employer, du moins on ne sait plus très bien parfois l’origine de ces 366 jours.
A l’approche de ce mois de février, plus long cette année, « rendons à César ce qui est à César » !
Jusqu’à l’arrivée de Jules César au pouvoir, Rome obéissait à un calendrier fait d’années de 355 jours. En guise de réajustement, un mois de 22 ou 23 jours était ajouté tous les deux ans. On l’appelait « mensus intercalaris » ou encore « Mercedonius ». Mais l’affaire s’avérait bancale et les saisons ne correspondaient plus à la course du soleil. On constatait un important décalage entre les années solaires et civiles. Au fil des années, les mois et les fêtes changeaient de saison.
César décida donc de clarifier le calendrier en l’alignant sur le temps de rotation de la Terre autour du Soleil (365,2422 jours). Il fut établi que les années dureraient 365 jours mais qu’un jour supplémentaire - jour bissextile - serait ajouté tous les quatre ans en février.
Pourquoi spécialement en février ? Parce que l’année julienne débutant par le mois de mars, il s’agissait du dernier mois de l’année.
Ce jour « additionnel » se plaçait 6 jours avant le début du mois c’est à dire avant les calendes du mois de mars. Il s'agissait d'un « 24 février bis ». On nommait alors le 24 février « a. d. VI Kal. Mart. », soit « ante diem sextum Kalendas Martias », c’est-à-dire « le sixième jour avant les calendes de mars (le premier jour) ». N’oublions pas que ce mois avait alors 30 jours avant d’être amputé pour célébrer la famille de Jules César (31 jours en juillet) et l’Empereur Auguste (août et ses 31 jours. C’est là l’origine de ce mot « bissextile ».
A partir du moment où la méthode latine de décompte des jours fut remplacée par celle que nous employons toujours aujourd'hui, ce jour intercalaire fut positionné le 29 du mois de février. C’est ainsi que février devint un mois bissextile !
Pour ce qui est d’une année bissextile (ou un an bissextil) c’est une année comportant 366 jours au lieu des 365 jours d’une année régulière.
Ce calcul comportait encore une part d’erreur de l’ordre de 3 jours par 400 ans par rapport à l’année astronomique. Il se basait sur des années de 365,25 jours (au lieu de 365,2422). Le décalage était tel qu’en 1582 il était presque de 11 jours. Par décision du Pape Grégoire XIII, qui avait confié un très important travail à une commission de savants dont on a retenu surtout les noms de Lilio et de Flavius, il fut décidé de supprimer 10 jours du calendrier. Les solstices furent fixés au 21 juin ( ou 20 ou 22) et 21 décembre ( parfois le 22) . Cette année 2024 le printemps est le 20 juin !
Il nous reste de cela le 24 juin avec la Saint Jean, et Noël le 25 décembre, et des dictons du temps comme ceux de la Saint Médard ou de la Saint Luce qui sont donc déconnectés, et plus du tout justifiés.
Mais il y avait encore une légère erreur et le jour « bissextile » fut maintenu, selon une règle un peu compliquée. Tous les 4 ans il y aurait un jour de plus, qui gardait le nom « bissextile », dans les années au chiffre pair, à condition que ce chiffre soit un multiple de 4 mais pas de 100, et soit un multiple de 400. De plus trois années séculaires sur quatre ne seraient pas « bissextile » . C’est ainsi que furent 1700, 1800 et 1900. Mais les années 1600, 2000, 2400, ont été ou seront bissextile.
C’est ainsi que l’année 2100 n’aura pas de 29 février. Parce que multiple de 4 et de 100 mais pas de 400 !
Au registre des exceptions ou des choses plus drôles concernant le bissextile, je peux rappeler qu’il y eut même un 30 février en Suède. Ce pays avait décidé de s’aligner sur la réforme grégorienne du calendrier seulement en 1700. Mais la préoccupation de la guerre avec la Russie fit oublier le jour bissextile du 29 février 1704 et 1708. Il fut décidé que cet aménagement se ferait progressivement, pour arriver à s’aligner avec la plus grande partie des nations qui avaient appliqué déjà la réforme de 1582. Je n’entre pas plus dans le détail spécifique de l’application du bissextile dans ce pays. Notons seulement qu’il fut décidé d’adjoindre au 29 février 1712 un 30 février.
On peut comprendre assez facilement que l’originalité de ce « bissextile » ait engendré des coutumes ou des habitudes plus ou moins curieuses.
C’est ainsi qu’en Irlande une coutume veut que le 29 février les femmes puissent ce jour-là, demander les hommes en mariage ! On raconte que les femmes de ce pays, se plaignant auprès de Sainte Brigitte du manque d’initiative des hommes en matière de demande en mariage, la supplièrent d’aller négocier avec Saint Patrick une exception quadriennale. Si les hommes s’aventurent à refuser, la tradition veut qu’ils doivent offrir douze paires de gants à la jeune éconduite, pour lui permettre de cacher sa main non-baguée. L’histoire peut faire sourire. Elle fut réellement respectée et même appuyée par des lois moyenâgeuses, aujourd’hui abolies.
En 1929, l'Union soviétique introduisit un calendrier révolutionnaire dans lequel chaque mois avait 30 jours, et les cinq ou six jours en excès étaient des jours de congé ne faisant partie d'aucun mois, à la manière des « sans-culottides » du calendrier républicain français. Les années 1930 et 1931 eurent donc un « 30 février ». En 1932 ce calendrier fut partiellement abandonné et les mois retrouvèrent leur longueur antérieure.
Les personnes étant nées un 29 février fêtent habituellement leur anniversaire le 28 février les années non bissextiles.
Dans l’originalité du bissextile il faut citer « La bougie du Sapeur », un journal périodique qui depuis 1980 parait tous les 29 février. Son nom a été choisi en hommage au héros de bande dessinée créé par Christophe, un précurseur de la bande dessinée, le Sapeur Camember , personnage né un 29 février.
Le journal est tiré à 200 000 exemplaires et est distribué par Presstalis (ex NMPP). Il a été fondé par Jacques Debuisson et Christian Bailly. Son rédacteur en chef est Jean d'Indy, également directeur de la publication. À la fin du journal vendu 4 euros pièce se trouvait un encart à découper pour s'abonner pour tout le XXIe siècle pour 100 euros, jusqu'au numéro de 2012 où ces abonnements ont pris fin en raison de difficultés logistiques et de gestion.
Depuis le quatrième numéro, en 1992, on a ajouté au titre :« est sans reproche… » pour un jeu de mot sur l’expression « sans peur et sans reproche ».
Le journal ne possède pas de site internet, ce qu'il justifie par la logistique compliquée, la solidarité avec le déclin de la presse papier, ainsi que sa légitimité : un site accessible toute l'année remettrait en cause la périodicité particulière du journal. Néanmoins, une page Facebook fonctionne continuellement mais seulement pour donner des informations sur la parution.
De tous temps, pour recenser les jours les hommes ont cherché à mettre en place des systèmes de mesure, qu’on appelle désormais « calendrier » alors que ce terme est impropre puisqu’il tire son origine des calendes romaines, alors qu’on trouve ces systèmes bien avant le calendrier dit « romain ».
C’est ce bissextile de 2024 qui m’amène à ces rappels. Si l’origine du mot « calendrier » est bien d’origine romaine, tous les peuples depuis les temps les plus reculés ont inventé des systèmes pour que le nombre de jours corresponde le plus près possible à la durée des saisons.
Il est plus que surprenant de voir, que, sans appareils sophistiqués, ni lunette astronomique, ni satellite, les hommes ont trouvé des systèmes assez concordants. Mais le ciel commande, et il faut tenir compte dans ces calculs d’au moins trois données.
L’année tropique c’est-à-dire la durée qui sépare deux passages du soleil au point vernal ( un des deux oints de la sphère céleste où l’équateur céleste et l’écliptique se croisent ) vaut 365, 2422 jours ou 365 jours 5 heures, 48 minutes et 46 secondes.
La lunaison, intervalle du temps entre deux nouvelles lunes a pour durée moyenne 29,530588 jours ou 29 jours 12 h, 44 mn, 28 secondes.
Le jour solaire vrai, c’est-à-dire l’intervalle de temps séparant deux passages consécutifs du soleil au méridien du lieu a une durée qui varie entre 23h 59 mn 30 sec et 24h 0 mn 30 sec.
L’année tropique c’est-à-dire la durée qui sépare deux passages du soleil au point vernal (un des deux points de la sphère céleste où l’équateur céleste et l’écliptique se croisent). Elle vaut 365, 2422 jours ou 365 jours 5 heures, 48 minutes et 46 secondes et comporte 12 lunaisons plus 11 jours environ. Soit encore 365 jours et ¼ environ avec la nécessité d’ajouter un procédé d’intercalation - jour supplémentaire - tous les 4 ans.
Voilà la complexité de la question et voyons rapidement comment à travers les siècles les différents peuples ont essayé de répondre à un calcul compliqué. Quel terme employer d’ailleurs puisque « calendrier » vient du latin et des Romains « calendae ». On ne sait pas quel terme était employé avant de parler de « calendrier » en Mésopotamie, chez les Egyptiens, ou chez les Mayas, par exemple. Quant aux Grecs qui avaient eux aussi un système de mesure du temps, ils ne se référaient pas, bien évidemment, aux Romains, d’où l’expression « renvoyer aux calendes grecques » c’est-à-dire à jamais. Expression toujours d’actualité si on se réfère à tout ce qu’on entend en ce moment, notamment dans les discours de vœux et autres déclarations liées à l’actualité.
J’utiliserai donc le mot « calendrier » pour parler de ces différents systèmes, imposés par le ciel avec ses rythmes lunaire et solaire.
Voici les principaux sans entrer dans le détail de leurs calculs.
En Mésopotamie et chez les Sumériens le système de calcul des jours se basait sur la durée du cycle lunaire et on ajoutait un mois intercalaire pour conserver la correspondance de la durée avec les saisons et le cycle du soleil.
Une remarque au passage, c’est que les Habitants de Mésopotamie, les Sumériens, les Babyloniens, 3000 ans avant JC, utilisaient pour mesurer le temps, le système sexagésimal, un système qui comporte plus de possibilités de division (2, 3, 4, 5, 6, 10,12, 15, 20, 30 et 60) que le système décimal ((2,5,et 10). Je reviendrais sans doute sur toutes ces mesures du temps car elles peuvent faire à elles seules l’objet d’une chronique (Cône de Berlin ou d’Avanton dit de Poitiers, machine d’Anticythère, cadrans solaires, sabliers, horloges astronomiques, astrolables, planétariums, torquetons et autres…) .
C’est sur la base sexagésimale qu’est établie la durée de l’heure de 60 mn, mais aussi les degrés du cercle, peut être même le nombre de 360 jours, et ce depuis plus de 3000 ans ! A suivre …
En Egypte, on avait un « calendrier » de 365 jours, (12 mois de 30 jours) plus 5 jours supplémentaires appelés « jours épagomènes ».
Les Grecs se référaient à un cycle de 8 années avec introduction d’un mois intercalaire appelé octaétéride
Le calendrier hébraïque avec des mois de 29 ou 30 jours ajoute un mois supplémentaire tous les trois ans pour rendre ce calendrier compatible avec l’année tropique
Chez les Mayas et chez les Aztèques le calendrier a une base solaire mais il a 18 mois, et pour arriver au bon compte on ajoute 20 jours plus 5 jours « creux » considérés comme néfastes.
Le célèbre mais éphémère calendrier républicain, établi par le mathématicien Romme, était composé de 12 mois de 30 jours auxquels on ajoutait 5 jours que le fabuliste Fabre d’Eglantine n’avait pas baptisés ! et qu’on appelait « les sans culottides ».
Le calendrier chinois qui comporte 12 mois aux noms d’animaux, plus court que le calendrier solaire, nécessite l’ajout d’’une période variable pour que l’année reste compatible avec l’année solaire. Le nouvel an chinois sera cette année le 10 février. On entrera dans l’année du Dragon.
J’ai déjà parlé des Romains, de leur façon de compter, du mensis intercalaris ajouté aux 10 mois du calendrier de Numa Pompilius qui nous valent encore septembre octobre novembre et décembre, puis le 1er jour de l’An avec Janvier et février et le jour bissextile.
Cette énumération n’est pas exhaustive et peut comporter quelques erreurs. Ce que je veux démontrer c’est que tous temps, les hommes ont cherché, sans y parvenir vraiment, à mettre en place des systèmes de calculs communs, fixes ou invariable, et que tous ces systèmes avaient des dispositions pour rattraper le temps perdu, tout comme encore aujourd’hui nous le rappelle le 29 février 2024. Le ciel, les astres, la nature nous rappellent à l’ordre !
Il faut enfin savoir qu’une réflexion sur la réforme du calendrier a commencé dès le 19ème siècle, le positionnement des fêtes religieuses chrétiennes avec l’influence de l’église, étant alors bien plus marqué qu’aujourd’hui, avant le régime de la séparation. Problème qui reste d’actualité avec ce que nous avons vu sur des prises de positions idiotes, au moment de Noël, car ignorant que c’est avant tout du Soleil et de la Lune qu’il s’agit dans tous ces décomptes et systèmes. Il est sûr que les calendriers et leurs fêtes, chômées ou pas ont toujours des répercussions sur la durée des trimestres, sur l’industrie, le commerce, les congés déjà ! et la retraite…!
Mais après les tentatives de l’abbé Mastrofini en 1834, d’Auguste Comte en 1849, celle de Camille Flammarion, puis l’étude sérieuse de la Société des Nations en 1922 qui concluait en 1931 qu’il ne fallait rien modifier, après l’échec du calendrier républicain, si poétique, mais sans références astronomiques assez sérieuses, c’est le calendrier grégorien qui resta le plus universellement reconnu.
Seul le calendrier en usage dans le monde musulman se réfère uniquement à la lune, sans mois intercalaire, d’où un décalage total avec le temps et les saisons et leur influence incontestable sur tout le monde sans distinction de race, de nationalité ou de religion.
Le décalage de ce calendrier musulman avec le calendrier grégorien en vigueur désormais dans la grande majorité des pays du monde, fera qu’en 2030 il va y avoir deux mois de Ramadam dans l’année. Un au mois de Janvier 2030 et le début d’un autre vers le 26 décembre. Uniquement un problème de calcul !
Cette année 2024, longue d’un jour de plus que les autres nous ramène aux savants et très compliqués calculs auxquels se sont livré nos Anciens, et ce « depuis la nuit des temps » selon l’expression consacrée, pour mettre en place un système commun et cohérent qui permette, entre autres, de gérer notre temps de travail et de loisir et aussi religieux, en référence à la course de la terre autour du soleil, à la durée du jour et de la nuit, et au cycle de la lune autour de nous.
Je ne ferai aucun autre vœu pour chacun de vous que du meilleur pour tous et pour chacun en 2024. Je ne m’engagerai pas trop sur la publication de prochaines chroniques « mensuelles » car mon inspiration vagabonde de plus en plus dans la complexité de ce que je découvre et des questions que plusieurs me posent, sur « le temps qu’il fait et des saisons, des dictons, les fêtes et traditions. » Et j’ai perdu le rythme... encore une question de temps !
Je ne suis ni savant, ni prophète, ni technicien, ni météorologue, mais je constate et je note qu’au cours des siècles sur ce thème générique que j’ai pris pour caractériser mes chroniques, nos Ancêtres ont toujours cherché comment faire pour mesurer le temps qui passe, avec des calculs qui avec une très faible marge d’erreur ont déterminé ce que nous utilisons encore, à savoir la durée des jours et de l’année selon que l’on se réfère à la durée du jour solaire, à la lunaison ou à l’année tropique et aux 60 minutes pour une heure !
« Il était temps » qu’avec cette chronique je vous adresse mes vœux puisqu’il est de tradition de pouvoir le faire jusqu’au 31 janvier !
Addissias
Jean Mignot le 31 janvier 2024