LES CEVENNES - 1/3
   12/12/2022
LES CEVENNES - 1/3

LES CEVENNES - 1/3

Par Jean Luc Eymery (2008)

Cévennes : limites géographiques

Les limites sont discutables ; selon les auteurs, selon les villages ou les hameaux en périphérie, selon que l’on soit du haut pays ou de la plaine. Le P.N.C., Parc National des Cévennes, en a fixé les frontières à sa convenance, de nos jours les communautés de communes retracent une carte géographique avec d’autres intentions ; plusieurs départements sont concernés par la dénomination Cévennes : le Gard, l’Hérault, l’Aveyron, la Lozère et l’Ardèche. Avant la révolution française, le découpage était tout autre, les communautés appartenant à un évêché et les terres en partages entre plusieurs seigneurs et évêques, bailliages, sénéchaussées, circonscriptions épiscopales, paroisses. Il fallut que les rois annexent petit à petit les provinces du royaume pour en faire un seul pays. Si la terre ne bouge pas, ce sont les hommes qui y habitent qui en font l’Histoire.

Nos repères sont les deux montagnes les plus hautes : le mont Lozère avec ses 1702 mètres à Finiels et le Mont Aigoual, montagne ou se partagent les eaux en direction de l’Atlantique ou de la mer Méditerranée, qui culmine à 1567 mètres à l’observatoire.

Les limites peuvent êtres fixées comme suit : au Nord, les montagnes du Goulet et du Tanargue, à l’Ouest elles englobent une partie de l’Aubrac de la Margeride et du Gévaudan (les Causses), au Sud l’ont considère les derniers contreforts cévenols du pays d’Anduze et de celui d’Alès comme partie intégrante des Garrigues et la Gardonnenque. A l’Est, les villes de Saint- Ambroix et des Vans sont déjà méridionales. L’Histoire des Cévennes va au-delà de ces limites géographiques.

En Cévennes, l’Aigoual est la montagne des eaux. C’est de là-haut que naissent les rivières et les fleuves : Hérault, Vidourle, Gardons et Cèze, le Chassezac par l’Ardèche.

La montagne du Lozère n’est pas en reste : Tarn, Lot vers la Garonne, Allier vers la Loire. Le père Louvreleul Jean-Baptiste y a vu en  1724 les 7 veines, d’où le mot Cévennes.

Les précipitations de l’équinoxe d’automne sont redoutables (2 mètres à l’Aigoual). Ces eaux qui déferlent dans les vallées, entraînent vidourlades et gardonnades. Pour discipliner ces cours d’eau, on a créé des barrages dits « écréteurs de crues », réservoirs qui servent à réguler le débit des rivières.

Cévennes : les origines

Il y a 10 000 000 d’années, période dite du miocène moyen, le bloc cévenol et les grands causses se soulevèrent. La collision des plaques africaine et européenne est à l’origine de cet accident qui façonne le paysage que l’on découvre aujourd’hui. L’eau de pluie a élargi les failles et rongé les massifs ; sous terre c’est le remue-ménage, cavités, lacs et rivières se forment alors qu’en surface nos montagnes autour de 1000 mètres collectent et accumulent les dépressions : sources, lacs, prairies humides. 

Failles de direction cévenole NNE-SSO, failles Est et Ouest qui comportent de nombreuses fractures. Le secteur d’Anduze est compris entre les garrigues du Languedoc à l’Est et les monts cévenols au Nord Ouest, d’une altitude variant entre 150, 200 mètres pour la plaine et 800, 1000 mètres pour les montagnes, des garrigues marno-calcaires crétacés et tertiaires aux roches cristallines et métamorphiques. Sur Anduze et ses sommets proches, à 400 mètres se trouve le calcaire du Lias, il est caractéristique de ce secteur vallonné aux versants accidentés, Jurassique moyen.  

Le calcaire légèrement poreux d’une formation âgée de 350 000 années, roche façonnée par l’eau et l’érosion, sculptée par le temps, perméable, qui en saison humide ne retient que modérément l’eau de pluie qui s’écoule ainsi plus rapidement entraînant des crues en aval. En saison sèche, alors qu’affleurent graviers et sables, les cours d’eau présentent des débits faibles, l’eau s’étant infiltrée dans les sols pour alimenter les nappes phréatiques.

Le granit est ici de première formation ; du côté du midi sont adossées des masses calcaire aussi anciennes, le granit s’avance dans les intervalles de ces masses loin du noyau central. Des veines de gneiss, grés et schiste tiennent les deux matières, calcaire et granit, et l’alumine contribue à leur formation. Les filons métalliques et les houilles se rencontrent dans ces couches.

Zone de moyenne montagne, intermédiaire entre le haut pays des causses et massifs, et le bas pays celui des garrigues, les Cévennes restent un pays mystérieux et légendaire, un pays pauvre mais attachant, une identité culturelle bien particulière ou se mélangent les peuples ; une terre d’accueil mais rude et sauvage pour l’homme, c’est le domaine du sanglier et de la sauvagine, celui des extrêmes ; sa diversité mérite toute l’attention pour la sauvegarde de la faune, de la flore, de son patrimoine et de son Histoire.

Cévennes : identité

Avec ou sans S qu’importe ! pour et contre en débattent encore ; l’excès en tout est un défaut.

Plusieurs hypothèses nous sont proposées.

Les peuples qui occupèrent ce territoire se nomment Celtes, Volques ou Volces Arécomiques.

Les Celtes, dit-on, auraient donné leur nom à ces montagnes : le radical Keben, Kem signifiant montagne dérivé de l’hébreu Giben. Il est fait mention de peuples venus de la mer, Phéniciens ou Etrusques qui débarquant sur les plages du sud aperçurent au loin les premiers contreforts, ils se seraient écriés « Cébenna » du nom d’une divinité, la muse des Cévennes, qui reposerait au Mont Caroux prés des gorges d’Héric ou elle attendait la mort cela signifierait « versant boisé », cette chaîne de monts uni les Pyrénées aux Alpes. D’autres sources nous donne les sept cours d’eau, les « sept veines » : l’Allier, le Lot, le Tarn, le Gardon, l’Hérault, la Cèze, l’Ardèche et l’on attribut à César la découverte des Cévennes lors de la traversée des ces contrées par ses troupes et se rendant dans le Massif Central au devant de Vercingétorix. La voie des Gabales reliait Nîmes à Mende, par Anduze, la route de la Corniche, Florac et le col de Montmirat. 

Les hommes ont suivi les chemins tracés depuis des millénaires par les animaux, les « drailles » pour parcourir ces montagnes. Le pays accidenté est fait de schiste et de granit, l’olivier et le châtaignier sont aussi des repères d’altitudes limités à 600 mètres pour l’un et 800 mètres pour l’autre.

L’eau est ici plus qu’ailleurs un élément essentiel à la survie des espèces, et l’homme aménage les sources, détourne des rivières et construit des béals pour les besoins. Du haut des « serres », ces collines qui donnent du relief à nos vallées, Borgne, Longue, du Galeizon, du Val Francesque, descendent des torrents qui prennent leurs sources sur ces hauteurs. 

« Tout change presque brusquement de l’un à l’autre versant du faîte des Cévennes : température, vents, pluies et la nature entière ; d’un côté sont les ruisseaux permanents, les prairies, les arbres au feuillage touffu ; de l’autre sont les lits pierreux qui se transforment en torrents, les herbes odorantes, les arbustes au feuillage rare. Les habitants ne sont pas les même non plus, l’homme civilisé des plaines méprise le « gavache » des plateaux. C’est encore une des régions les plus sauvages de France ; ses forêts étaient peuplées au XVIII° siècles d’ours, cerfs, de sangliers, de loups. » 

Du géographe Elisée Reclus (1877) :

Kében, Celte ; Cebenna sous César ; Cemmeno du géographe Strabon ; Cebennis d’Agricola 1495 – 1552 ; Sévenne(s) XVème, XVIème et XVIIéme siècles au singulier  ou au pluriel ; Cévenne(s) XVIIIème et période contemporaine. 

Cévennes : préhistoire

Des traces de dinosaures ont été découvertes en plusieurs points des Cévennes. Des cavités nous ont laissé des dessins d’animaux préhistorique, de scènes de chasse. Il faut citer ici : l’Aven Armand, Dargilan, les Demoiselles, la grotte Chauvet et dans les environs : la Cocalière, Trabuc ; mais aussi la grotte des Morts (des Maures) dans la commune de Durfort qui servit de référence au début du XX°  siècle. Des ossements d’animaux et d’humains y furent découverts par F. Mazauric, preuve que ces deux espèces se disputaient les abris naturels, en l’occurrence les cavités, où ours, loups et lynx s’y abritent. L’homme les chasse et prend possession des grottes où il vit un temps avec sa tribu avant d’y déposer ses défunts. 

Découverte du métal en Cévennes –2000.

De nombreuses tombes du néolithique « tumuli » se trouvent sur les sommets environnants : Paillères, Mialet, St Jean du Pin, Alès. Construites avec les matériaux pris sur place, elles sont de grés, de calcaire, de schiste ou de granit. Cette ligne de crête faisant partie de la « faille des Cévennes » subit quelquefois des secousses, rares heureusement. Les Cévennes furent habitées au néolithique ; dolmens et menhirs ; enceintes et « oppida » sont fort nombreux en périphérie ; 24 ont été recensées.

Il n’est pas rare de découvrir quelques pierres plates de belle dimension ayant peut être servies à quelques rites funéraires ; pierres percées, tables d’autels à sacrifices, pierres gravées de signes énigmatiques ; cupules et abris sous roche sont nombreux sur les crêtes. Certaines pierres sont gravées d’une représentation animale, souvent fantastique, il est souvent associé à ce lieu le nom du Saint qui vainquit la bête malfaisante. Des pierres levées portaient en elles d’anciennes croyances ; domaine des dieux, des héros, des défunts, du diable, des fées, des nains comme des géants ; des druides, des sorciers leur ont attribué toute sorte de magie. L’Empereur Théodose II déclare coupable la vénération des pierres entre 435 et 452. Le rassemblement est interdit devant les pierres dites magiques en 567. En 658, on détruit systématiquement toute pierre levée pouvant être sujet à adoration. Charlemagne sera un grand destructeur de ces pierres ; l’Eglise toute régnante lorsqu’elle ne put détruire les mégalithes, les adopta en les christianisant.

Au moyen-âge, les croyances sont très fortes et le culte des pierres est toujours évoqué par quelques sorciers. Les fées ou fades égarent le voyageur par le charme ; la dame blanche et les lutins d’un autre monde dansent dans le cercle magique (Cromlech), la nuit de Pâques des êtres fantastiques au clair de lune font la ronde autour du menhir, ou prés d’une source. 

« Des géants Gargantua ou Pantagruel sortis tout droit de l’imagination des populations rurales hantent encore les esprits » Rabelais.

Nous découvrons sur ces hauteurs la trace des moines bâtisseurs : terrasses, béals, sources, meules de pierre, cupules ou gravures faites par quelques gardiens de troupeaux ou nomades lors du moyen-âge, datation difficile.

Vers 1873-1875, la forêt allait alors de Quissac à Tornac. Le climat était aussi plus chaud et plus humide. Sur le chemin de St Hippolyte, le cantonnier des « hacheurs de buis » , habitants de Durfort, travaille prés d’une fondrière appelée « le Vignas » entre St Martin de Sossenac et les riches prairies de Vibrac et Salèle où coule la rivière de Vassorgues, les coteaux de Montloubier sont couverts d’oliviers, le hasard, qui fait bien les choses, fait qu’un voyageur, un savant, le sieur Cazalis de Fondouce passa par là un jour de 1869. Sur le bord du chemin il remarque des débris ressemblant à un tuyau ; arrivé à Durfort, il revient sur les lieux, curieux et intrigué. C’est la découverte d’ossements qui après des fouilles de 1873, révèlent des animaux préhistoriques vieux d’un million d’années. L’Eléphas Méridionalis, c’est son nom, est visible au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris. Les fossiles de 3 éléphants, 4 hippopotames, 1 rhinocéros, 4 cervidés, 1 carnivore, des dents de hyène et 5 de bisons ainsi que des fossiles de végétaux, d’amphibiens et de mollusques ont été sortis jusqu’à 21 m 70 de profondeurs. On y trouve aussi dans cette vaste tourbière des fossiles d’arbres, de fruits, de feuilles et autres insectes d’un million d’années lors de l’affaissement du marécage. D’autres fouilles ont permis l’extraction d’ossements en 1969.

Les dimensions et le poids de l’animal exposé au muséum : hauteur 4,35 mètres, largeur 2,37 mètres, poids prés de 8 tonnes, il s’agit là d’une bête jeune, un adulte Eléphas Méridionalis pouvant atteindre 5 mètres au garrot.

A suivre…