LES AMIS DES CEVENNES : le remarquable prieuré roman de SAINT GERMAIN DE MONTAIGU LEZ ALAIS (1ère partie)
   18/07/2023
LES AMIS DES CEVENNES : le remarquable prieuré roman de SAINT GERMAIN DE MONTAIGU LEZ ALAIS (1ère partie)

LES AMIS DES CEVENNES : Si Alais m'était conté

 

Et si l'on restaurait le remarquable prieuré roman de

SAINT GERMAIN DE MONTAIGU LEZ ALAIS – 1ère partie

 

Dominant la cité alésienne on compte sept collines comme pour la cité de Remus et Romulus... Certes la mémoire du Gardon que nous déchiffrons à longueur de temps ne nous a pas permis de trouver les souvenirs d'un araire prédestiné.

Nous connaissons au sommet d'au moins trois de ces collines, des édifices religieux. Le plus connu celui de l'Hermitage domine fort visiblement la ville. La Chapelle de Saint Michel de Conilhères du 11e siècle n'existe plus. Au 17e on la désignait sous le nom de chapelle Sainte Lucie. Un ensemble bien plus important se dressait sur la plus haute des collines : le prieuré de Saint Germain de Montaigu appelé Prior. Sancti-Germani déjà en 1149. Il est question du Castrum de Mont-Agut dans la Généalogie des Châteauneuf de Randon en 1208 et quelques décennies après, en 1226 du domus Sancti Germani et de l'Ecclesia Sancti Germani (1237) puis Domini de Monte-Acuto (1194). Le prieuré dépendait du diocèse de Nîmes contrairement à ce que l'on pourrait s'attendre puisque sur le territoire d'Alais, l'archidiacre prenait le titre de Seigneur de Montaigu. Tout ceci montre bien l'ancienneté de cette église et de l'immense demeure avec laquelle elle faisait corps. Nous l'avons visitée à différentes époques, chaque fois avec quelque émotion et le désir renouvelé de la voir remise en état, ce qui préoccupe fort les Amis des Cévennes. La tâche s'avère des plus importantes car l'ensemble s'étend sur une vaste superficie et cela sur le sommet le plus élevé de la commune alésienne.

Les ruines imposantes disent la grandeur et de l'époque et du monument

de style roman comme attestent les bases de plusieurs colonnes, les voûtes, lintaux, achères et autres restes architecturaux que l'on rencontre

un peu partout.

Des arbres, des yeuses en majorité, au cours des ans, ont fouillé les bases des murailles et le travail le plus urgent serait de stopper la progression de cette végétation. Voilà du pain sur la planche pour un premier chantier que les Amis des Cévennes étudient actuellement.

Pourquoi de jeunes alésiens, ne viendraient-ils pas se joindre à eux ?

Bien entendu, doivent être prises en compte des dispositions juridiques, de sécurité et autres. La période hivernale peu propice aux travaux à l'extérieur convient à tout cela. Donc à l'oeuvre et que ce premier appel rassemble des hommes de bonne volonté, il en existe.

En ce qui concerne la recherche historique nous nous y employons activement.

Ainsi, nous avons appris qu'aucommencement le cloître abritait des Bénédictins qui probablement par l'abbaye de Cendras prolongeaient la lignée des moines de Saint Benoit d'Aniane.

Pourquoi St Germain patronne ce centre ? On ne peut rien affirmer. Cet Evêque rendit visite à St Hilaire en Arles. Suivant peut-être la voie Régordane, il passa par Alès. Rien ne permet de l'affirmer. Il aurait pu s'y arrêter et même entrer se réfugier dans le château fort qui existait, s'il existait à cette époque... Tout cela fleure la légende. L'existence d'un oppidum bien antérieur reste plus certaine.

Des travaux de dégagement entrepris de 1941 à 1944 par Ausset permettent une connaissance plus exacte du plan des lieux. Une première chapelle d'environ 9 mètres a pu être située parmi les pierres amoncelées. Vers la fin du 12e siècle, les religieux entreprennent la construction

d'une église. Les restes que l'on peu découvrir indiquent l'ampleur de cette construction comportant une crypte où l'on accède par un escalier droit et rapide aménagé à l'intérieur même de la muraille...

Cette crypte présente de belles voûtes, en piteux état hélas. Au dessus de cette crypte était le choeur avec l'autel abrité par une abside romane encadrée de piliers de pierres sobres. Cette église mesurait 18 mètres dans

le sens de la longueur et un peu plus de sept mètres dans celui de la largeur. Nos moines la vouèrent à Sainte Marguerite.

Un cloître s'étendait tout à côté sur l'aplat de la montagne. Un escalier permettait l'accès aux cellules du premier étage. Du côté de l'ouest se dressaient les bâtiments domestiques. Le cimetière, tout à côté, alignait ses tombes. Durant les guerres de la Réforme les bâtiments du Prieuré furent détruits. Elles sévirent par là comme ailleurs.

 

St Germain de Montaigu tenait certainement une grande place dans la vie alaisienne.

Les moines à la fin de leur vie se retiraient parfois sur la colline voisine en la petite chapelle ou l'infirmerie de l'Hermitage, de St Julien des Causses.

Les pèlerins s'y rendaient en foule, à pied par les sentiers caillouteux et déposaient dans les chapelles de nombreuses offrandes pour chasser le mauvais sort. Les mères y conduisaient leurs enfants malades. Elles les dévêtaient et laissaient les vêtements dans le lieu saint pour combattre le malin.

Cette coutume s'est perpétuée longtemps, c'est ainsi qu'il y a un siècle et demi un chroniqueur l'évoquait

, écrivant :

« Le lundi de Pâques a toujours été parmi nous un jour de solennité patriarcales. Seulement on le fêtait différemment il y a plusieurs siècles. La population, dans ses naïves croyances, l'avait désigné pour un saint pèlerinage. Alors, on se rendait en foule au couvent des chanoines sur la montagne de Saint-Germain. Les mères étaient les premières à se mettre en marche ; les unes entourés d'une couvée de joufflus enfants ; les autres portant dans leurs bras de pauvres petits êtres chétifs et souffrants : elles demandaient toutes aux saints pères des prières pour la conservation de ces précieuses créatures. Les malades venaient ensuite, faisant de fréquentes stations, sur le revers de la montagne. Le vieillard appuyé sur son fils, la jeune fille soutenue par son père reprenait souvent haleine côte à côte sur le même tertre de gazon, et ce n'était pas toujours le vieillard qui inclinait le plus vers la tombe ! — Ainsi varient les coutumes, ainsi changent les goûts avec les époques ; alors, on apportait à l'autel des prières et des offrandes ; aujourd'hui, on rit, on boit, on chante ! La civilisation mondanise les choses les plus saintes... »

Cette antique abbaye n'a pas manqué d'attirer l'attention des chercheurs,

aussi, des documents intéressants,parvenus jusqu'à nous permettent de la connaître à un temps déjà lointain comme nous la décrit par exemple, C. FABRE dans la première moitié du 19e siècle, description peut-être un peu longue mais passionnante pour ceux qui s'intéressent à l'histoire Alésienne et Cévenole. Nous la donnons donc ci-après in extenso ; même si elle reprend ce que nous venons d'évoquer rapidement ajouté à d'autres sources ce qui témoigne de la véracité de certaines allégations.

 

L. ANDRE

 

 

 

ABBAYE SAINT-GERMAIN DE MONTAIGU

 

On la dit avec raison, lorsqu'il s'agit d'écrire la monographie d'un monument, l'archéologue doit invoquer trois témoignages : les documents d'abord, la tradition ensuite, et enfin étudier le style de l'édifice pour fixer l'époque de sa fondation.

Ici, il faut l'avouer, les documents sont rares, la tradition est sobre, et l'architecture presque entièrement effacée ne nous révèle aucune inscription, aucune date.

Aussi, qu'on le sache bien, nous n'avons pas la prétention de donner une histoire de l'Abbaye de Montaigu, ce témoin des premières années d'Alais, et qui l'a vu, peu à peu étendre au loin l'envergure de son aile ; notre but est d'attirer sur le vieux cloître l'investigation d'hommes plus compétents que nous, et de les aider de nos modestes notes dans leurs recherches historiques.

Et maintenant, si nous voulons étudier le style de l'ancien monastère, hâtons-nous, car après avoir subi la dévastation des fanatiques, le temps ébranle jusqu'à ses fondements ; il n'est pas une maison, un mur de la montagne, où nous ne puissions trouver des blocs de pierres arrachés des saintes ruines : plusieurs générations y sont déjà venues puiser tour à tour comme dans une carrière publique.

Le monastère couvre une grande partie du plateau de la montagne et s'étend sur les deux versants de Montaigu, vers Alais et vers Arènes. L'église écroulée de fond en comble, a le choeur tourné du côté de la ville ; on peut voir facilement, d'après deux colonnes encore debout et l'abside à demi enfoui sous les décombres, que l'édifice entier était de style roman.

Tout y est d'une nudité glaciale, d'une simplicité majestueuse ; là, point de mélange, rien d'hybride, tout y est un : l'artiste n'y a pas promené un ciseau capricieux, et le genre Lombard n'a pas encore subi les atteintes du système ogival. Les croisées en plein ceintre, et les piliers survivants qui partagent la nef, sont dénués d'ornementation, d'élégance, c'est en un mot la pure simplicité romane. Les colonnes sont veuves de leurs chapiteaux, peut-être que s'ils étaient sur le fût, nous verrions l'aigle de Charlemagne accroupi sur le couronnement, comme le gardien tout puissant du monastère.

C'est durant la vie du grand empereur, ou sous le règne de ses successeurs immédiats que l'on jeta les fondements de l'antique moutier, au neuvième ou au dixième siècle, en même temps que s'élevait au pied de la montagne notre église cathédrale, l'église primitive bien entendu, et telle qu'elle devait être avant les réparations du quinzième siècle.

Alors, sous la protection impériale, renaissaient de leurs ruines tous les monuments dévastés par les barbares ; partout dans notre province, surgissaient des couvents, des églises.

C'était Psalmodi détruit par les Sarrasins que Charlemagne reconstruisait en 788, le monastère de Celles (Tornac), et Saint-Gilles que le fils de Pépin couvrait de son égide, Saint-Gilles la puissante qui donnait des évêques à la chrétienté, et dont l'abbé marchait légal des princes de l'église.

Louis-le-Débonnaire continua cette protection en faveur de Saint-Gilles et de Celles, et en donna pour témoignage un diplôme signé à Aix-la-Chapelle, dès la première année de son règne.

Malgré les efforts de Charlemagne pour cicatriser les plaies de son empire, on se souvenait, encore avec terreur de l'invasion des barbares ; l'enfant se rappelait le récit de son aïeul qui lui montrait la cavalerie du farouche Abdérame, sillonnant nos plaines, et semant derrière elle la mort et l'incendie.

A chaque pas, l'on rencontrait les traces du passage des Circoncis, et, à la vue de ces ruines, l'on invoquait, en se signant la grande épée de Karl.

C'est sous l'influence de ces douloureux souvenirs que les fondateurs de Saint-Germain choisirent le sommet élevé d'une montagne pour ériger leur monastère.

Située ainsi qu'un château fort, l'abbaye n'avait pas à redouter les surprises de l'ennemi, et derrière les meurtrières de sa muraille, le moine avait le temps d'endosser le casque et la cuirasse, et d'attendre l'approche des assaillant, la hache d'armes à la main.

La tradition, cette nourrice de l'histoire, s'accorde avec le style de l'édifice, en faisant remonter sa fondation au temps des rois Carlovingiens. Elle ajoute qu'il fut élevé en l'honneur de St Germain d'Auxerre, qui en allant visiter Saint-Hilaire à Arles, guérit, lors de son passage à Alesia, la femme d'un sénateur. C'est ici que s'élève la question de savoir si Alais est bien Alise, l'Alesia de César.

Malgré notre sympathie pour les ouvrages de M. de Mandajors que nous estimons à double titre, comme savant et comme compatriote, nous ne saurions admettre avec lui que notre ville est la fameuse Alesia des Gaules.

 

Le premier auteur à consulter dans l'espèce est Jules-César, il suffit pour cela de suivre son itinéraire, lors de sa marche contre Vercingétorix. Dès qu'il apprend la révolte du jeune Brenn, il quitte l'Italie, passe les Alpes, pacifie la Province et, après avoir franchi les Cévennes à travers six pieds de neige, il entre chez les Arvernes (les Auvergnats) ; c'est la route pour aller à Alesia. Sa situation est trop bien décrite chez tous les auteurs pour pouvoir supposer une autre assiette à cette ville.

Alisa était la capitale des Gaulois appelés Mandubii ; or, du temps de César quel peuple occupait notre sol ? les Volsces-arécomiques ; au nord étaient les Gabales en Gévaudan et les Arvernes, au sud les Volsces-tectosages dont la capitale était Toulouse. Et puis comment admettre que cette ville immense qui renfermait quatre vingt mille combattants (que M. de Mandajors nous montre bâtie autour du cône de Connilière), que ce boulevard des Gaules n'ait pas laissé des vestiges qui puissent témoigner de son existence aux yeux de la postérité ? Nous savons que l'on nous répondra que les villes gauloises étaient construites en bois et qu'un incendie a suffit pour consumer Alise.

 

D'abord, il n'est pas complètement vrai que les villes gauloises fussent entièrement en bois, les principaux édifices tels que les temples, les demeures des chefs, les citadelles et les fortifications étaient en pierre.

Croyez-vous que si César avait eu à assiéger une enceinte de chaumières et de barraques, il eût resté si longtemps campé sous la ville ; il fallait qu'Alesia fût bien fortifiée pour que ce grand général se préparât pendant quarante jours à établir des fortifications dans la plaine, afin d'opposer une place forte à une autre place forte.

Lisez sous la rubrique du liv. 7c. LXIX de ses commentaires, ipsum erat oppidum in colle summpo.... sub muro, quaepars collis ad orientem solem spectabat hune omnem locum copiae Gallarum compleverant, fossam que etmarceriam sexin attitudienem pedum praeduxerant.

Et plus bas au chapitre

LXXXIX : Vercingétorx ex arce Aleisae suas conspicatus, ex oppodo egreditur

Ces quelques lignes suffisent pour établir qu'il y avait des murs, des fossés, une citadelle. Nous sommes persuadés que si César n'avait pas eu à combattre une place solidement fortifiée, au lieu de perdre son temps à construire de son côté, il aurait dès l'abord procédé au siège par le feu.

La prise d'Alise est, selon Plutarque, le fait d'armes qui acquiert à César la gloire la mieux méritée et celui de tous les exploits où il montra le plus d'audace et d'habileté. Velleius Paterculus va plus loin, et pousse l'hyperbole jusqu'à dire qu'il fallait être plus qu'un homme pour tenter ce que César fit à Alise, et presque un dieu pour l'exécuter.

Soyez sûrs que si un siège pareil s'était passé sur notre territoire, Alais n'aurait pas substitué le nom d'Alestum au titre glorieux d'Alesia ; le rejeton aurait été fier de porter le nom du tronc déraciné ; et puis, croyez que la mémoire d'un si grand événement se serait perpétuée dans quelque légende, et que l'on chanterait le nom de Jules-César comme on chante encore celui d'Annibal dans nos provinces que le général carthaginois a traversées.

On tire aussi une induction de l'invasion de l'Hercule Tyrien (Alesia fut fondée presque en même temps que Nemausus ; le rapprochement de ces deux cités ne ferait-il pas croire qu'Alais est la ville bâtie par l'aventurier Mélicerte ? Cette objection n'est pas fondée ; car après avoir jeté les fondements de Nîmes, l'Hercule Tyrien prit une route opposée à nos Cévennes, remonta le Rhône, terrassa le brigan Tauriske, qui infestait les bords de la Saône, et bâtit Alesia sur le territoire Eudeen (à côté d'Autun).

Un dernier argument fera voir que le système de M. de Mandajors n'est qu'un ingénieux paradoxe.

Alesia (s'il est vrai qu'elle fut détruite par César) fut bientôt reconstruite, et sous les empereurs, elle était le centre de la Gaule celtique : une multitude de voies romaines venaient aboutir à cette ville célèbre. Ses habitants avaient fait de grands progrès dans la civilisation, adonnés au commerce, à l'industrie, ils inventèrent le procédé d'argenter au feu les ornements des chevaux et le joug des animaux attelés aux chars.

Qu'on nous pardonne cette digression, elle n'est pas oiseuse quant au sujet que nous traitons. Un de nos savants collaborateurs, dans une notice sur Alais, insérée dans un journal de la localité, a avancé « que St-Germain, avait dû passer par Alais, parce qu'il y avait guéri la fille d'un sénateur, et que cette dernière ville (Alise en Aussois) ne pouvait pas posséder des sénateurs, attendu qu'elle était au pouvoir des Bourguignons ».

Nous répondrons que les Bourguignons n'étaient pas intéressés, alors plus que jamais, à faire disparaître tout ce qui était romain. Gonthicaire, leur chef ou Henden, était l'allié intime de Rome, c'est lui qui la seconda dans ses batailles contre Attila, et c'est en récompense de sa fidélité et de ses services qu'on lui donna la possession des provinces gauloises situées entre le Rhin, les Vosges et la Saône ; ceci se passait de 440 à 463. Or, St Germain vivait vers la première moitié du cinquième siècle ; quoi de surprenant qu'il ait trouvé un sénateur à Alise. Ainsi, ou il a traversé cette ville avant qu'elle fût soumise aux Bourguignon (ce qui paraît plus probable chronologiquement), ou après la cession faite par Rome à ses alliés ; dans le premier cas, elle était colonie romaine, et les sénateurs, habitant cette ville se trouvaient chez eux ; dans le deuxième cas, ils se trouvaient mêlés aux alliés des Romains, et n'avaient rien à craindre. Et puis ce titre de sénateur avait alors perdu de son prestige, ce n'était pas seulement un membre du sénat qu'il signifiait, mais bien tout grand personnage riche, un noble enfin.

 

Est-il nécessaire que St-Germain soit passé par Alais, pour qu'un couvent l'ait adopté comme patron ? pas le moins du monde ; il suffit de lire sa biographie, et l'on ne trouve rien de plus juste qu'un monastère s'élève sous la protection d'un homme dont le nom était vénéré de toute la chrétienté. Rien de plus poétique, de plus accidenté, pour ainsi dire, que la vie du saint évêque. Né à Auxerre d'une famille noble, le fils de Germanilla, après avoir fait ses études dans les gaules, embrassa la profession d'avocat à Rome. Les émotions de l'audience, les luttes oratoires souriaient à cette imagination ardente, à cette nature pleine d'activité ; aussi le barreau de Rome le vit grandir en peu de temps, et le compta bientôt parmi ses premiers orateurs. Puis, abandonnant les discussions orageuses du prétoire, il obtint le commandement des troupes de son pays, investi du titre de duc.

 

Il cherche à rompre la monotonie de la vie de province, et s'adonne avec ardeur à la passion de la chasse. Il poursuit le sanglier dans les forêts vierges des anciens Druides, déployant tout le luxe de la Rome impériale. On le voyait brillant de pourpre et d'or, la tunique de Tyr relevée par une agraphe d'opale, lutter de faste avec les plus riches patriciens de la Gaule. C'était tous les jours des fêtes à étonner Pétronne, à faire envie à l'empereur lui-même.

Tout à coup il dit adieu aux plaisirs, il renonce à la chasse, ce tableau de la vie militaire où l'on trouve les dangers et les émotions du soldat, et devient un modèle d'humilité. Il dépense ses richesses en aumônes, et, lorsqu'il entre dans la cathédrale d'Auxerre, les pauvres s'agenouillent devant lui, le saluant du titre de saint. Sa conversion miraculeuse rappelle à tous la vision qui illumina Saint Paul à Damas. A la mort d'Adamatre, la voix publique le désigna comme le seul qui fût digne de succéder au vénérable évêque d'Auxerre.

Il devint une des lumières de la chrétienté, et lorsque la secte de Pelage leva la tête, le pape l'envoya dans la Grande-Bretagne pour prêcher aux hérétiques. Son voyage fut couronné de succès : à la vue de cet homme si respecté, en écoutant cette parole toute paternelle, calme et persuasive comme l'Evangile, la plupart des chrétiens égarés revinrent dans le giron de l'église.

De retour à Auxerre, il trouva son diocèse obéré d'impôts, et c'est alors qu'il se rendit à Arles auprès d'Auxiliaris préfet des Gaules, pour en demander la diminution, ce qui lui fut accordé vers 430.

Ce qui s'est passé dans l'abbaye depuis sa fondation jusqu'au commencement du quatorzième siècle, nous ne pouvons le dire : c'est une lacune qu'il nous est impossible de combler.

Pourquoi faut-il que les archives de Saint-Gilles aient été la proie des flammes ; Hélas, elle n'existe plus cette source abondante où l'historien aurait puisé les documents les plus riches et les plus précis ; à l'aide de ses manuscrits religieusement conservés, il eût été facile de reconstruire l'histoire de nos villes, de nos couvents, de nos châteaux...

Mais les guerres religieuses, les discordes civiles n'ont rien respecté, l'oeuvre modeste du bénédictin n'a pas été épargnée par les incendiaires. C'est là une perte irréparable pour notre pays, et qui laissera toujours un vide dans l'histoire de la localité.

 

C. FABRE

À suivre