CHEMINS DE TRAVERSE
Aujourd’hui : LE MONT AIGOUAL (IGN : 2641 E)
« J’ai passionnément aimé la montagne. C’est elle, d’abord, qui m’a fait sentir les beautés de la nature. Elle a été la toile de fond de ma vie. » A. Chamson.
La Cévenne est orpheline de ses écrivains : Carrière – Chabrol – Chamson l’un me transporta sur les mystérieuses pentes des montagnes ; l’autre me fit comprendre l’attachement de mes aïeux à cette terre, il me donna ainsi le goût pour l’histoire des hommes et des montagnes aux reflets bleus ; André Chamson me narra la vie aventureuse et la foi de Roux le bandit à Castanet « l’Aigoual et le Mont Horeb, l’Olympe et le Parnasse, la montagne Sainte » écrivait-il.
Carrefour des sentiers de grandes randonnées ; la découverte de cette partie des Cévennes est une excellente approche de ce pays, des habitants, de la nature.
Le parcours : Rejoindre la station de ski de Prat-Peyrot par Le Vigan ou par Valleraugue, laisser les véhicules sur les parcs de stationnement et s’engager dans une piste au-dessus de la départementale ; la fraîcheur à l’ombre des hêtres et les petits ruisseaux accompagnent notre progression sur un bon chemin ; au carrefour prendre à droite et suivre des marques jaunes jusqu’au balisage du GR ; traverser la petite route et la longer jusqu’à l’observatoire où une visite s’impose, la table d’orientation vous donnera des indications sur le bout de l’horizon qui s’offre à vos yeux par temps dégagé. Descendre par une sente vers le menhir de Trépaloup qui marque la séparation de deux départements : le Gard et la Lozère. Plongeons sur l’hort de Dieu et son chalet ; suivre le sentier Charles Flahault puis la piste N°49 sur la droite qui ramène à Prat Peyrot.
Nature et environnement : l’Aigoual reçoit des pluies violentes qui rongent le massif ; le surpâturage des temps passés a fini par avoir raison des végétaux ; en 1786, 30 000 ovins estivaient sur cette montagne. En fin de XIXème siècle une restauration des terrains de montagne est promulguée par une loi. Charles Flahault, Georges Fabre et le docteur Perrier sont à l’origine du reboisement ; le hêtre « lou fau » en langue d’oc est choisi comme essence principale, le clair feuillage laisse passer assez de lumière pour un sous-bois herbeux. Une hêtraie-sapinière protège une faune discrète où chevreuils et cerfs disparus au XVIIIème siècle peuplent à nouveaux nos espaces reboisés.
Un sentier conduit au jardin de Dieu et l’ancienne cabane du garde Castanet a laissé la place à un laboratoire où Charles Flahault botaniste de Montpellier étudia les essences susceptibles de s’acclimater à cette altitude. De nombreux botanistes dont les frères Platters sont venus herboriser sur les pentes de l’Aigoual. En 1869 après quelques démêlés avec l’administration Georges Fabre obtint qu’une station météo soit érigée pour étudier les phénomènes climatiques des versants atlantiques et méditerranéens sur cette ligne de partage des eaux malgré l’altitude modeste, 1567 mètres.
Le vent du midi « le marin » apporte la pluie ; versant atlantique le « vent de traverse » du nord-ouest et le vent du nord donnent naissance à un temps froid.
Au XVIIIème Guignard de Saint Priest intendant du Languedoc autorise les verreries à prendre du bois sur l’Aigoual, ce combustible sert aussi pour les forges et la métallurgie ; par la suite des pluies dévastatrices sont attribuées à l’érosion de l’Aigoual : 1856, 1857, le 4 octobre 1861, le 18 octobre 1868 il ne reste que ravines et pierres… chaque année 600 000 mètres cubes de sables venus de l’Aigoual encombrent le port de Bordeaux, c’est l’endroit le plus pluvieux de France. En 1870 on crée une série d’observatoires : Pic du Midi, Ventoux, Puy-de-Dôme, Mont Blanc plus de vingt sont comptabilisés au début du XXème siècle (remplacés aujourd’hui par les satellites).
Extrait de « August Ebrard. Voyage dans les Cévennes en l’an 1877 – Club Cévenol – 1995.
« Quelques bergers assis sur un rocher ne manquaient pas de pittoresque ; c’était la journée où les troupeaux de moutons regagnaient les villages, après avoir passé l’été sur les pâturages de la montagne…
Nous nous débarrassons de nos pardessus et nous partons à pied vers le somment du Mont Aigoual… Nous montons dans une herbe rase, assez sèche, pour déboucher sur un haut plateau bordé de hêtres agréables et ombreux… Les bergers nous apprennent en langue d’oc que, parmi les trois sommets en pente, c’est sur celui de droite que nous devons nous diriger, là où apparaissent les ruines d’une petite tour. Dans cette tour, Cassini, l’illustre astronome, avait observé à longueur d’année Saturne et Mars. L’observatoire, tombé en ruine, a été remis en état pour servir de belvédère, mais il a succombé de nouveau aux tempêtes hivernales.
C’est en effet un panorama qui dépasse toute imagination. Un quart de la France est à nos pieds. »
Aux plus courageux, nous recommandons de monter de nuit à l’Aigoual, afin d’assister au lever du soleil ; par temps clair c’est un spectacle grandiose.
L’adjudication des travaux a lieu en mai 1887, les travaux débutent le 17 juin pour seulement 81 jours ; les intempéries obligent à l’arrêt de la construction ; 52 jours en 1888, 75 en 1889, 83 en 1890, finalement en 1893 achevé, l’entrepreneur fit faillite. A l’origine de la tour de Cassini ou tourette, Louvois fait installer une station militaire. Après Christian Proust, le cévenol Jean Boulet, persévérant, sauve et maintient la station ; un musée apprend les précipitations, les nuages, la qualité de l’air…, la devise des météorologues dans ce château des tempêtes : « Sous la foudre ils étudient sans peur, nuages, forêts, vents ».
Histoires d’eaux : Plusieurs galeries souterraines sont dues à l’érosion de l’eau ; les pluies torrentielles dévalent et alimentent, les sources de l’Hérault ; les gorges du Toupoul et du Trévezel, les ruisseaux du Bonheur de la Dourbie et de la Jonte ; le Tarnon le Bétuzon la Brège y ont leur source. Les 28 et 29 septembre de 1900 Valleraugue subit de graves dommages causés par l’eau qui dévastait tout sur son passage ; une heure suffit pour que la rivière chargée de boue et de décombres envahisse les quartiers ; dans le temple aux portes arrachées l’eau atteint 2 mètres 45 centimètres, les ponts ont cédé, partout c’est le désarroi et l’horreur ! (Revue du P.N.C.).
La Mountade : Les drailles qui passent ici sont des chemins d’estive depuis toujours vers les plateaux d’Aubrac. Cette montée des troupeaux vers l’herbe drue de la montagne commence d’ordinaire à la Saint-Médard. Trois artères viennent du bas pays d’Alès ou d’Uzès vers le Mont Lozère, draille de Gévaudan ; de Saint Hyppolite du Fort vers Florac et Mende, draille de la Margeride ; du Vigan à Meyrueis et Marvejols, draille de l’Aubrac. Après la tonte de mai, une marque colorée sur le dos rappelant le propriétaire, les pompons multicolores et les sonnailles tintantes accrochées autour du cou le troupeau d’ovins gagne les hauteurs pour y passer l’été.
Avec Castanet : En 1628, déjà, Rohan et son armée se retrouvent à l’Espérou, l’éperon ou Mont Calcaris. En plein été des soldats sont morts de froid cette année-là. Un autre chef, garde sur l’Aigoual eut ses heures de gloire ; Castanet et une troupe de quelquefois deux cents fanatiques venus de tout le pays Cabrillac, Valleraugue, Aulas… bouscatiers, paysans, cardeurs de laine ou bergers ; leur premier coup de main ils le font à Fraissinet de Fourques où ils perdent 20 hommes car les papistes les attendaient, ils tuent 34 villageois « massacrés au fil de l’épée » selon le R.P. Louvreleuil. Lors du brûlement des Cévennes à Saumane le brigadier Julien eut à combattre Castanet, les camisards durent se replier et arrêter le combat. Rolland prête main forte à la bande de l’Aigoual, avec 600 hommes il attaque le Collet-de-Dèze ; sur les pentes de l’Aigoual les fusillers de de Planque déboutés se réfugient à Valleraugue. La Tourette des Châteaux des Tempêtes servit de halte avant de gagner le jardin de Dieu que l’on rebaptisa jardin de l’Eternel, se fut le repaire de Castanet et de ses hommes. Un jour « la blondine » compagne du chef est enlevée ; par représailles Couderc surnommée « La Rose » enlève la femme du gouverneur ; les tractations faites à Valleraugues aboutissent à la libération des deux prisonnieres. Castanet attaque un détachement du régiment de Cordes sur les pentes de la Luzette ; mais la faim et le froid font que la troupe se disperse à l’Espérou, aux sources de la Dourbie, dans la forêt des Ombrets. Le ratissage systématique de la montagne par le brigadier de Planque et 4 régiments : Dauphiné, Souches et 2 de Cordes, font de nombreux prisonniers à Cap de Costes, la Seyrreyrède ou Cerièrède (Mont-raide), dans les bois de Mortal et de l’Orgon ; on les chargea sur des charrettes et on les conduisit à Montpellier pour les exécuter. Castanet devint le pasteur qui courut aux assemblées, il se ressourçait à l’hort de Dieu en récitant des psaumes. Il se rendit à l’invitation de Cavalier au village de Calvisson comme presque tous les chefs rebelles, sans illusion il regagna ses montagnes. Castanet se rend à Planque à Saint-André-de-Valborgne ; Villars lui laisse gagner Genève. L’exil et le regret le ronge alors il revient. A Rivières il est reconnu et pris ; exécuté place du Peyrou à Montpellier les yeux tournés vers l’Aigoual.
Une quinzaine de circuits sont possibles sur le massif : le Saint-Guiral, le lac des pises, les 4000 marches depuis la Serreyrède, aller retour aux cascades de l’Hérault (voir topos guides ou Maison du P.N.C.).
L’ombre d’Ebenezer, avec ses chiens Gog et Magg, monté sur son cheval Leviathan parcourt cette montagne.
Jean-Luc EYMERY